"Mes transports pas amoureux mais presque" ou
"Ces mécaniques que j'ai roulées"
N°6 : La 205 Peugeot de 1984.
Nous la voulions rouge mais nous l'avons eu blanche :
"Rouge ! mais vous n'y pensez pas, on ne fait pas venir cette couleur ici.
Les gens n'aiment pas." Pourtant, il y en avait quelques-unes de rouge sur
l'île, mais les gens qui aimaient avaient dû les faire venir directement sans passer
par le concessionnaire local. Elle était donc blanche, plus commune, plus
passe-partout, plus anonyme pour les neuf ans qui vont suivre. Elle avait
quatre portes, c'était mieux pour transporter des amis et pour les sièges-auto
de bébés : Ariel naîtra quelques mois plus tard. Elle était vendue avec un
autoradio de série et donc elle tentait les petits voleurs au courant. Baptisée,
comme on dit, à seulement trois semaines, elle passait chez le carrossier pour
réparations. Pour prendre la radio, le délinquant a fait un trou énorme dans la
porte pour en arracher la serrure. Le policier du commissariat où j'ai fait ma
déclaration m'a dit qu'il habitait près du centre commercial de Bellevue où
cela avait eu lieu et que cela n'allait pas passer comme ça, foi de justicier
patenté. Effectivement, quelques jours plus tard, j'étais convoqué au
commissariat pour récupérer mon autoradio qui avait été retrouvé avec quelques
autres. Qui ose dire qu'on n'a pas une police efficace ?
Assez basique, c'était loin d'un modèle GTI, mais elle
convenait à merveille pour nos périples sur toutes les voies de l'île. Facile à
stationner en ville ou à un départ de randonnée, bien suspendue et pas bégueule
dans les virages si nombreux, elle a un peu rempli pour nous, le rôle du
Transit en Algérie, c’est-à-dire nous amener en un temps record en n'importe
quel point de l'île. Et on ne s'en est pas privé durant toute la durée de notre
séjour, d'une anse à une baie, de mornes en traces, de la côte Caraïbe à celle
de l'Atlantique. Que ce soit pour des bains de mer ou des balades à pied, pour
notre plaisir et surtout pour celui des enfants, on en a fait des kilomètres
sur cette île minuscule avec la 205. Elle aussi, comme le Transit à ses débuts,
avait un défaut mécanique de conception : le levier de vitesses se
désolidarisait régulièrement de la boite et il fallait changer un jeu de bagues
de liaison, pas trop coûteux mais qui nécessitait un passage chez le garagiste
à chaque fois. Le nôtre était un voisin des Manguiers qui suivait des stages chez
BMW en Allemagne et était presque devenu salarié chez nous, en particulier à la
fin de notre séjour. Son atelier avait un petit air d'officine de quimboiseur
avec images pieuses et colliers de perles en plastique. Il avait surtout la spécificité
de venir récupérer, lui ou son fils, la voiture en panne où qu'elle se trouva,
du moment qu'on arrivait à lui téléphoner notre point d'abandon. Trouvez-moi
une perle comme ça de ce côté-ci de l'Europe ?
Des coins magiques, en Martinique, ça ne manquait pas et il
y en a un que j'ai pris souvent en photo, entre Case-Pilote et Bellefontaine,
un morne herbeux surplombant la mer Caraïbe bien bleue où la 205 dans le soleil
couchant me faisait penser au Monde de Christina d'Andrew Wyeth, à celui de
Tideland de Terry Gilliam ou à une Pub d'un constructeur qui sortait ses
griffes pour ce "Sacré numéro".
Un dimanche nous étions à la plage tout au sud de la
Martinique, au Cap Chevalier, nous avions récolté des tas d'oursins et comme à
notre habitude, on n'avait pas attendu pour les déguster sur place. Par chance,
personne n'a été malade sauf moi, qui ne l'était jamais. J'ai fait une
intoxication sévère qui m'a cloué au sol pendant une ou deux heures transpirant
et gémissant, les entrailles agitées de spasmes. Le temps passait et j'étais
totalement incapable de reprendre le volant pour rentrer à la maison. Heureusement,
nous étions avec des amis et voisins, les Delphin, qui conduisaient tous les
deux et étaient venus avec leur voiture. Pierre a pris Béatrice et tous les
enfants dans sa voiture et Christine a pris le volant de la 205 avec un
agonisant sur la banquette arrière. A l'arrivée, j'allais beaucoup mieux, les
trépidations avaient certainement eu raison de mon empoisonnement.
Une autre fois, Chloé toute petite, s'était fait une
petite coupure d'un centimètre au front lors d'une chute devant l'immeuble et
Béatrice m'a demandé de la conduire rapidement à l'hôpital pour voir si cela ne
nécessitait pas des points de suture. J'attache Chloé sur son rehausseur pour
enfant et nous voilà partis à toute vitesse vers le Rond-Point du Vietnam
héroïque où se trouvaient des soignants, à la clinique Saint Paul. Le médecin
qui l'a vue, m'a dit que son entaille ne nécessitait pas de points mais il lui
a mis des Steri-Strips par acquis de conscience. Ceci fait, nous repartons vers
la maison mais le raccourci que j'ai pris pour revenir plus vite avait été
défoncé par des pluies récentes et la 205 était fortement agitée latéralement
et, dans un nid de poule, alors que nous étions presque arrivés à la maison, la
tête de Chloé qui ballottait fortement a frappé la vitre de la portière violemment,
juste sur la blessure frontale. Les Steri-Strips ont lâché et la plaie s'est
rouverte en saignant abondamment. J'ai eu tellement honte de devoir la ramener
à la clinique en avouant que cette fois c'était par ma faute qu'elle était
martyrisée que nous l'avons soigné nous même avec des Steri-Strips que nous
avions chez nous. Quel père indigne !
En juin 1993, j'obtenais ma mutation pour le Lycée
Diderot à Marseille, on allait quitter la Martinique après un séjour de dix ans
et la 205, qui était de plus en plus souvent en panne ne nous accompagnerait
pas. Je l'ai donc proposée à Monsieur Almont, mon garagiste attitré qui était
intéressé pour en faire un véhicule de courtoisie. C'est vers cette époque que
j'ai fait connaissance avec Dominique Berthet qui venait pour ouvrir une antenne
Arts Plastiques à la Fac de Fort-de-France. Il cherchait un véhicule pour sa
compagne et sachant que je laisserais le mien sur l'île, il s'est arrangé avec
mon garagiste pour être mon acheteur. J'ai su plus tard qu'il n'avait pas fait
une très bonne affaire.
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1983-12 Nikon F3 - Ekta - 52 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique |
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1983-12 Nikon F3 - Ekta - 53 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique |
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1983-12 Nikon F3 - Ekta - 54 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique |
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1983-12 Nikon F3 - Ekta - 55 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique |
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1983-12 Nikon F3 - Ekta - 56 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique |
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1983-12 Nikon F3 - Ekta - 57 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique |
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1984-06 Nikon F3 - Ekta - 12 Couchant près de Bellefontaine, Martinique |
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1985-06 Nikon F3 - Ekta - 11 Couchant près de Bellefontaine, Martinique |
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1985-06 Nikon F3 - Ekta - 12 Couchant près de Bellefontaine, Martinique |
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1985-06 Nikon F3 - Ekta - 13 Notre 205 au Couchant près de Bellefontaine, Martinique |
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1985-06 Nikon F3 - Ekta - 14 Couchant près de Bellefontaine, Martinique |
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1985-06 Nikon F3 - Ekta - 15 Couchant près de Bellefontaine, Martinique |
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1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 6 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique |
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1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 7 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique |
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1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 8 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique |
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1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 9 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique |