jeudi 18 novembre 2021

Aventure Facebook du 15-11-2021

"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°10 : La 508 SW Peugeot de 2014 (de 2016 à aujourd'hui).

Décidément, c'était ma troisième Peugeot à quatre roues, la cinquième toutes roues confondues (revoir les épisodes précédents). Une savonnette nacrée avec vue sur la voie lactée mais surtout, c'était ma voiture d'handicapé. Tout était assisté, la direction, la boite à vitesse automatique, les phares, les essuie-glaces, les sièges arrière se couchaient devant le chargement en touchant un levier, les portes se déverrouillaient à notre approche, les rétroviseurs se blottissaient contre la carrosserie dès qu'on partait, le moteur se stoppait aux feux rouges et se redémarrait tout seul pour consommer et polluer moins. Une merveille à roulettes avait dit le vendeur, ce n'était pas loin de la vérité, n'empêche qu'elle devait être sur le parking du concessionnaire depuis de longs mois et ne trouvait pas preneur parce qu'elle portait la lettre écarlate de l'infamie en ces temps de 'verditude', et oui, c'était toujours un diesel avec clim. Mais minute les amis, un Blue-HDI de 180 chevaux qui, parait-il, pollue moins qu'une motorisation essence classique, en témoigne la vignette Crit'Air jaune (catégorie 2). Elle avait une ou deux légères rayures sur le parking de Peugeot mais lorsque je suis venu la récupérer après achat, elle avait été entièrement repeinte et flambait comme une neuve.  Elle était un peu grosse et un peu longue, pas facile pour les créneaux en ville avec les multiples capteurs qui sonnaient tout le temps, mais quel confort pour les longs trajets avec son Cruise qui me laissait les pieds libres et l'esprit serein par rapport aux radars de vitesse. J'avais trouvé ma Benz, la lourdeur teutonne en moins.

La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a et ses 4 m 82 de long pour la sortie étroite et tournante de mon garage de la rue de Provence étaient un problème pour garder une carrosserie impeccable. Ça a commencé par de fines rayures sur le bas de caisse à l'avant gauche qui sont devenues de multiples superpositions de rayures au fur et à mesure des sorties. J'ai voulu changer de garage mais je n'ai rien trouvé à ce jour dans le quartier, alors je continue à maudire ce minuscule bout de trottoir dans la rampe qui ne sert à aucun piéton mais sert à rayer ma merveille de temps en temps.

Je me souviens surtout des premières balades de la 508, à la Sainte Victoire avec Hervé et Françoise. Le lac de Bimont avait été en partie vidé et on se promenait sur la vase craquelée couverte de coquilles d'huitres d'eau douce, hérissée de tiges de végétaux, de racines et de souches d'arbres. Un décor sinistré de film post-atomique bordé de pins dans la brume. Une autre fois, tout aussi fantastique mais bien plus esthétique, toujours autour de la Montagne Sainte Victoire, la magie de champs de lavandes, associée au gris du calcaire et au bleu du ciel. Ou encore après, une émotion plastique d'un autre genre encore, à la Petite Camargue de Saint Chamas, devant la parade amoureuse des cygnes, les flamants roses, les hérons, les grenouilles, les guirlandes de canards artificiels en plastique noir et les cabanes de chasseurs. Paysage préservé aux étendues d'eaux miroitantes, algues fluorescentes, vagues d'eau noire portant des oiseaux de mer immaculés avec seulement le bruit du vent dans les roseaux et les conversations d'oiseaux.

Naturellement, la 508 a repris le service de la 306, comprenez : les déménagements des enfants, les virées dans la famille et bien entendu, les sorties artistiques un peu partout : aux Rencontres d'Arles, à la Collection Lambert à Avignon, au Mamac à Nice, aux Biennales de Venise, Palais de Tokyo et autres, Centre Georges Pompidou, et aussi au Musée de l'Homme et au Musée Rodin. Le quotidien de bien des profs d'Arts Plastiques de cette époque.

Dès août 2017, nous étions de retour à Trieste et fermement décidés à oublier l'échec de notre visite à Postumia (Postojna) avec la 306. Nous voilà donc reparti vers la Slovénie et ses fameuses grottes au petit train sur les traces de l'empereur François-Joseph d'Autriche. Enchantés par cette escapade en ex-Yougoslavie et 'drivés' par nos nièces qui connaissaient la région comme le fond de leur poche, on allait tenter une autre virée en Croatie voisine et à Vrsar en particulier. L'occasion d'une remontée dans le temps sans téléportation : la Provence d'il y a cinquante ans avec vente de lavande, d'huile d'olive et de miel au bord de la route, partout des pins, des oliviers et des chênes-lièges jusqu'au bord de l'eau, une mer limpide avec très peu de baigneurs. Plongée dans des paysages paradisiaques où les familles en toute simplicité pique-niquaient sur les rochers en maillots de bain d'une autre époque.

Pour en revenir aux petites rayures dues au garage, elles ont continué de loin en loin, à celles-ci sont venues s'en rajouter d'autres plus visibles et même une authentique collision avec une autre voiture qui descendait la rue des 3 Frères Carasso en marche arrière dans le sens interdit. Son conducteur était un jeune homme navré et confus qui m'a avoué qu'il était sur le chemin pour aller faire réparer son véhicule. Effectivement, il était bien défoncé. Sur le coup, j'ai regardé ma voiture et je n'ai constaté que la plaque d'immatriculation tordue. En bon Prince stupide, je lui ai dit que c'était bon comme ça, qu'avec un bon coup de marteau je redresserai aisément ma plaque, que ce n'était pas la peine de faire un constat. Deux jours après, dans l'ombre du garage, j'ai vu que mon capot était un peu plié sur le devant. La voiture devant aller faire une révision quelques jours plus tard, j'en ai profité pour demander au chef d'atelier quelle somme serait nécessaire pour faire remettre en état le capot et éventuellement reprendre les petites rayures accumulées ici et là. Il a regardé en expert et m'a dit qu'en plus du capot, la calandre en plastique était brisée à plusieurs endroits et qu'il fallait la changer, que les parechocs avant et arrière méritaient de l'être aussi. Bref, il m'a annoncé un chiffre suivi de trois zéros, le cinquième de la somme totale pour laquelle je l'avais achetée en 2016. Elle a donc et va encore passer un certain temps en l'état.

Vinrent ensuite les années Covid et les confinements qui s'en suivirent. La voiture restait au garage et ne le quittait que pour aller récupérer des matériaux sur le parking aménagé pour distanciation de Leroy-Merlin ou des victuailles au supermarché. La 508 sortait si peu, toujours de loin en loin et j'avais peur qu'un jour elle ne démarre pas à cause de la batterie déchargée. Heureusement, ce ne fut jamais le cas.

Si vous êtes des familiers de ma page, vous aurez certainement suivi les Aventures palpitantes de ma mort de 1978, c'était la 508 qui s'y était collée pour transporter le paquet encombrant ou le rapatriement d'autres affaires.

Il y a eu et il y aura encore d'autres voyages au long cours mais il y en a un projet spécial auquel je pensais depuis des années et auquel j'ai définitivement renoncé : le voyage à l'Ermitage de Saint Pétersbourg, avec mon propre véhicule. Le Musée de l'Ermitage, ce Graal de tout plasticien après le Moma de New York et le Guggenheim de Bilbao, entre autres. Aller à la rencontre de ces œuvres repérées dans toutes les Histoires de l'Art un peu sérieuses, par la route, en découvrant jour après jour les pays de l'Est, les pays nordiques, ce ne pouvait qu'être génial. Hélas et peut-être heureusement, il existe Internet et sur le Web, j'ai appris que le voyage en Russie avec sa voiture personnelle était particulièrement déconseillé. Si on n'était pas arraisonné par des brigands de grand chemin, c'est parait-il la police elle-même qui se chargeait de vous distribuer des amendes monstrueuses tout autant qu'arbitraires et que peu de chanceux avaient réussi à passer entre les mailles du filet. Prenez l'avion, c'est un conseil d'ami !

Alors va, renonçons, oublions.

Ne serait-ce pas le signe que quelque chose s'est cassé, rien n'est plus comme avant avec mes mécaniques ? Où est cette liberté de circulation totale qu'on croyait à jamais acquise ? Pourquoi ces coups de butoir incessants sur notre portefeuille pour le carburant, le stationnement, les autoroutes, l'entretien, les radars ? Pourquoi cette culpabilisation de la circulation individuelle ? N'ai-je pas droit à la défiance envers la new-propagande verte ?

Ou plutôt, pourquoi ne pas admettre sans doute possible que je deviens, à moins que je ne l'ai toujours été, un peu dérangé des voitures ?








Paul Gauguin, Les Parau Parau (Les potins), 1891, Paul Cézanne, La Montagne Sainte Victoire au-dessus de la route du Tholonet, 1900, Paul Gauguin, Ea haere ia oe (Où vas-tu ? II), 1893, Claude Monet, Femme dans un jardin, 1867, Paul Gauguin, Taperaa Mahana (Le coucher de soleil), 1892, Albert Marquet, Saint-Jean-de-Luz, 1907, Paul Gauguin, Nave nave moe (Joie de se reposer), 1894, Vincent Van Gogh, Souvenir du jardin d'Eden, femmes d'Arles, 1888



2016-03-27 Pâques à Mougins
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2021-11-09 - Dans le garage à Marseille

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