"Mes toiles-étoiles" ou "le cinéma et moi, et mois : émois"
N°2 : "Sans Soleil" film de Chris Marker, 1982
"Sans soleil", je l'ai vu à Paris en 1983, à l'Action
Christine qui était un cinéma d'Art et d'essai dans la rue du même nom. C'était
une après-midi grise comme Paris sait si bien les faire. Je crois me souvenir
qu'on s'était un peu disputé avec Béa ce jour-là et que le film de Chris Marker
nous avait servi de dérivatif. Chris Marker, on le connaissait à cause de sa
fiction "La Jetée" mais le côté militant et documentaire du reste de
sa production jusqu'alors me semblait fastidieux. Je crois que c'est l'ami
Daniel, cinéphile avisé, qui nous en avait parlé et comme souvent sa plaidoirie
nous avait conquise. Le film venait de sortir quelques jours plus tôt.
Dès les premières images, le ton était donné, on était happé, inclus
dans cet OVNI par la voix lente, énergique et insidieuse de la narration. Il y était question du bonheur, de coutumes et
de pratiques sociales lointaines, du voyage, de l'espace et du temps, des
souvenirs et de la mémoire, des pays industrialisés et de sociétés primitives,
de croyances et de violence...
La forme plastique elle-même était foisonnante : pseudo films de
famille, correspondance d'un ami, documentaires animaliers, portraits
esthétisants, extraits de films célèbres, images informatiques, musique
électro-acoustique... Et toujours ce récitatif insistant qui unifiait ces
éléments disparates, nous ramenait régulièrement à notre propre réflexion
sollicitée par les séquences fortes.
J'étais ressorti de la projection, réconcilié avec la vie, enthousiaste
et battant, même le ciel me semblait plus coloré. Je l'ai revu quelques années
plus tard à partir d'une cassette VHS puis en DVD, et c'était toujours aussi géant,
comme la première fois.
Dans les années 2000, j'avais adopté une sorte de tradition, à chque
veille de vacances scolaires de Noël, celle de passer un film ou des courts
métrages aux élèves fatigués en fin de trimestre. Je choisissais toujours des
choses qui m'avaient marqué et "Sans soleil" était un de ces phares
que j'ai dû passer à trois ou quatre promotions d'élèves différentes dans ma
carrière. Un jour, j'ai croisé une de mes anciennes élèves devenue à son tour
professeur en arts appliqués. Elle avait dû beaucoup changer physiquement et
j'avais du mal à la reconnaitre. Elle m'a avoué qu'elle avait bien aimé mes
cours et qu'elle était folle du Japon. Cet amour lui venait d'un film, dont elle
avait oublié le nom, que je leur avais passé lors d'une séance au lycée :
c'était bien sûr "Sans soleil".
La fréquentation régulière de la bibliothèque L'Alcazar m'a permis
pendant des années de voir et revoir, petit à petit, tous les films de Chris Marker
précédents ou post "Sans soleil". J'ai également écumé Internet à la
recherche de ses courts métrages non édités sur disque ou des captures de
l'Ouvroir de Second Life avec son chat orange, Guillaume-en-Egypte. Tous à des
degrés divers me rappelaient des préoccupations cristallisées dans "Sans
soleil". Ma traque continue encore de temps en temps.
En 2010, les Rencontres d'Arles présentaient à l'église des Frères
Prêcheurs la collection de Marin Karmitz où se trouvaient seize photos de Chris
Marker. L'année suivante une rétrospective rendait l'hommage mérité à Chris
Marker, le photographe, au Palais de l'Archevêché, avec plus de trois cent
images. Certains spécialistes de l'école de la Photographie avaient critiqué ses
retouches opérées numériquement sur les Coréennes de 1957. Moi, en afficionado
inconditionnel, je n'y ai toujours vu que jalousie déplacée.
Guillaume en Egypte dans l'Ouvroir dans le monde virtuel de Second Life. |
Série Les Coréennes, 1957 _page 17, 18, 19 et 20 du catalogue 2011 avec les retouches de 2010. |
Flash Gordon par Alex Raymond_pl 2 novembre 1933 Slatkine BD ©1968 + original en couleurs |
La Famille Fenouillard au Japon - Christophe 1893 - 7 pages extraites de La Famille Fenouillard © 2010 Armand Colin. |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire