samedi 18 mars 2023

Sans Soleil de Chris Marker

"Mes toiles-étoiles" ou "le cinéma et moi, et mois : émois"

 N°2 : "Sans Soleil" film de Chris Marker, 1982

"Sans soleil", je l'ai vu à Paris en 1983, à l'Action Christine qui était un cinéma d'Art et d'essai dans la rue du même nom. C'était une après-midi grise comme Paris sait si bien les faire. Je crois me souvenir qu'on s'était un peu disputé avec Béa ce jour-là et que le film de Chris Marker nous avait servi de dérivatif. Chris Marker, on le connaissait à cause de sa fiction "La Jetée" mais le côté militant et documentaire du reste de sa production jusqu'alors me semblait fastidieux. Je crois que c'est l'ami Daniel, cinéphile avisé, qui nous en avait parlé et comme souvent sa plaidoirie nous avait conquise. Le film venait de sortir quelques jours plus tôt.

Dès les premières images, le ton était donné, on était happé, inclus dans cet OVNI par la voix lente, énergique et insidieuse de la narration.  Il y était question du bonheur, de coutumes et de pratiques sociales lointaines, du voyage, de l'espace et du temps, des souvenirs et de la mémoire, des pays industrialisés et de sociétés primitives, de croyances et de violence...

La forme plastique elle-même était foisonnante : pseudo films de famille, correspondance d'un ami, documentaires animaliers, portraits esthétisants, extraits de films célèbres, images informatiques, musique électro-acoustique... Et toujours ce récitatif insistant qui unifiait ces éléments disparates, nous ramenait régulièrement à notre propre réflexion sollicitée par les séquences fortes.

J'étais ressorti de la projection, réconcilié avec la vie, enthousiaste et battant, même le ciel me semblait plus coloré. Je l'ai revu quelques années plus tard à partir d'une cassette VHS puis en DVD, et c'était toujours aussi géant, comme la première fois.

Dans les années 2000, j'avais adopté une sorte de tradition, à chque veille de vacances scolaires de Noël, celle de passer un film ou des courts métrages aux élèves fatigués en fin de trimestre. Je choisissais toujours des choses qui m'avaient marqué et "Sans soleil" était un de ces phares que j'ai dû passer à trois ou quatre promotions d'élèves différentes dans ma carrière. Un jour, j'ai croisé une de mes anciennes élèves devenue à son tour professeur en arts appliqués. Elle avait dû beaucoup changer physiquement et j'avais du mal à la reconnaitre. Elle m'a avoué qu'elle avait bien aimé mes cours et qu'elle était folle du Japon. Cet amour lui venait d'un film, dont elle avait oublié le nom, que je leur avais passé lors d'une séance au lycée : c'était bien sûr "Sans soleil".

La fréquentation régulière de la bibliothèque L'Alcazar m'a permis pendant des années de voir et revoir, petit à petit, tous les films de Chris Marker précédents ou post "Sans soleil". J'ai également écumé Internet à la recherche de ses courts métrages non édités sur disque ou des captures de l'Ouvroir de Second Life avec son chat orange, Guillaume-en-Egypte. Tous à des degrés divers me rappelaient des préoccupations cristallisées dans "Sans soleil". Ma traque continue encore de temps en temps.

En 2010, les Rencontres d'Arles présentaient à l'église des Frères Prêcheurs la collection de Marin Karmitz où se trouvaient seize photos de Chris Marker. L'année suivante une rétrospective rendait l'hommage mérité à Chris Marker, le photographe, au Palais de l'Archevêché, avec plus de trois cent images. Certains spécialistes de l'école de la Photographie avaient critiqué ses retouches opérées numériquement sur les Coréennes de 1957. Moi, en afficionado inconditionnel, je n'y ai toujours vu que jalousie déplacée.

 

P.S. : Les textes sur les 14 premiers montages sont de Chris Marker évidemment. Ce sont ceux dits par la narratrice, Florence Delay qui évoque les lettres envoyées par Sandor Krasna, un ami caméraman à des milliers de kilomètres de là.















Guillaume en Egypte dans l'Ouvroir dans le monde virtuel de Second Life.

Rencontres d'Arles - Crush-art, 2003,2008,2009 © Galerie Peter Blum, New York,  à l'église des Frères Prêcheurs en juillet 2010, au Palais de l'Archevêché en 2011, derrière et en haut, Passengers en 2011.

Série Les Coréennes, 1957 _page 17, 18, 19 et 20 du catalogue 2011 avec les retouches de 2010.


Flash Gordon par Alex Raymond_pl 2 novembre 1933 Slatkine BD ©1968 + original en couleurs









La Famille Fenouillard au Japon - Christophe 1893 - 7 pages extraites de La Famille Fenouillard © 2010 Armand Colin. 
























Collection Petite Planète N°21 - Japon_couverture et pages 180-181 ©1959 avec la citation de Jean Cocteau à propos de la Famille Fenouillard qui sert d'exergue à Chris Marker pour son film "Le Mystère Koumiko".















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