"Mes transports pas amoureux mais presque" ou
"Ces mécaniques que j'ai roulées"
N°8 : L'Espace II Renault/Matra de 1992.
Il était "Bleu de Chine", un bleu sombre métallisé et avait un intérieur gris clair. C'était un Turbo Diesel de 2,2 l et il avait la climatisation : un cauchemar d'écolo-green intégriste. Son précédent propriétaire devait être très soigneux parce qu'il était comme neuf lors de notre acquisition. Très agréable à conduire, très confortable, nous l'avons tout de suite adopté tout comme le garage de la rue de Provence qui nous a enfin accepté. Tout le monde l'aimait : les enfants qui avaient des sièges à tablette aussi bons que ceux des 747 qu'ils connaissaient bien, nous parce qu'on était un peu perché comme dans le Transit et que c'était beaucoup moins bruyant et puis aussi un chat errant qui trainait dans le garage et qui montait se chauffer sur le moteur dès qu'on avait tourné les talons.Mais comment peut-on à la fois se blottir
douillettement sur la culasse d'un moteur refroidissant et faire ses besoins
dessus. C'est une logique féline que j'ai toujours eu du mal à comprendre. La
climatisation avait sa prise d'air frais dans le capot-moteur et nous n'avons
pas tardé à constater une odeur nauséabonde lors de nos sorties. Après une
enquête pointilleuse, j'ai fini par trouver l'origine du parfum. Comme j'avais
toujours dans le coffre un bidon d'eau et une éponge, j'ai nettoyé. Mais le
lendemain, c'était à refaire et ça a recommencé comme ça de multiples fois
avant que je me décide à acheter du grillage pour bloquer tous les accès au
moteur par roues et les longerons. Peine perdue, ce malin arrivait toujours à
trouver une faille dans mon dispositif et, de fil en aiguille, j'en suis venu à
chercher une solution pour l'éliminer définitivement. Pardon d'avance aux amis
des animaux et à Chris Marker mais j'ai acheté de la mort aux rats et des
boites d'aliments pour chats que j'ai copieusement empoisonnées et disposées
sur le moteur. Lors de mes vérifications, en ouvrant le capot, la nourriture
disparaissait mais le chat revenait toujours, pire, il avait maintenant une
diarrhée encore plus liquide, plus difficile à nettoyer. En désespoir de cause,
j'en ai parlé au propriétaire du garage que j'ai vu quelques jours plus tard,
fusil à air comprimé en main, tirant entre les voitures. Il ne l'a peut-être
pas tué mais je n'ai plus eu à nettoyer mon moteur après cette traque musclée.
Pendant les trois ans qui ont suivi on a adoré cette
machine. On amenait les enfants à leurs compétitions d'escrime avec leur
matériel imposant, on sillonnait la France, la Suisse, l'Italie pour voir la
famille ou pour des expositions. On a même été des Naufragés de la neige en janvier
1997 au Sud de Lyon. Le Col du Grand Bœuf avait neutralisé des kyrielles de
poids-lourds et l'autoroute était devenu impraticable. Les pompiers nous ont
fait sortir en démontant les glissières de sécurité et nous ont escortés vers
un gymnase du côté de Péage de Roussillon où on a été hébergé pour la nuit. Grâce
au volume de l'Espace, on avait toujours nos duvets à bord, ce ne fut qu'un
épisode imprévu mais pas si désagréable que ça. Le lendemain on tentait une
sortie, on achetait des chaînes pour l'Espace dans un Supermarché voisin et on
se risquait sur la route nationale. On roulait parfaitement sur la neige mais
plus trop sur la route qu'on avait beaucoup de mal à suivre en évitant les
voitures abandonnées et les poids lourds en travers des ronds-points. De
trottoirs en bas-côtés, petit à petit, on a regagné Valence où a retrouvé
l'autoroute, ouverte et gratuite pour l'occasion.
Une autre fois, en revenant de Lorient, un peu avant
Toulouse, un voyant rouge s'est allumé au tableau de bord. Nous sommes sortis à
la première bretelle et nous avons essayé de trouver un garagiste susceptible
de trouver et réparer la panne. Plusieurs ont regardé et ont constaté qu'une durite
s'était rompue mais ils ne pouvaient pas réparer n'ayant pas la pièce en stock.
Le dernier m'a conseillé d'appeler le service Renault Assistance 24/24. C'est
ce que nous avons fait et une demi-heure plus tard nous attendions la
camionnette sur un parking convenu. La pièce a été changée et nous avons regagné
Marseille. Un mois plus tard, Béatrice recevait un coup de fil d'une brigade de
gendarmerie de Toulouse nous demandant si nous avions toujours notre Espace et
de quelle couleur il était. Elle a répondu Bleu de Chine ; c'est alors qu'ils
lui ont dit qu'un Espace de couleur verte circulait dans la région toulousaine
et avait été appréhendé pour une infraction. Il portait la même immatriculation
que notre véhicule : 2341 RY 13, mais la couleur figurant sur la plaque de
châssis ne correspondait pas. Une coïncidence comme celle-là n'était pas
fortuite et notre immatriculation avait dû être communiquée par un des
garagistes consultés lors de notre panne toulousaine ou peut-être par l'homme
qui avait fait la réparation.
Nous avions décidé d'aller voir Bruno à Rome, à l'époque
mon beau-frère était attaché naval à l'ambassade de France, dans le même pâté
de maison que l'église Saint-Louis-des-Français où sévissait "La Vocation
de Saint Matthieu" et deux autres Caravage, à deux pas de la piazza Navona.
Le voyage avait mal commencé, au moment de partir, en me serrant trop près
d'une protection d'arbre pour charger devant la maison, j'ai brisé mon optique
de phare droite. J'ai filé immédiatement chez Renault et j'ai acheté la pièce
en me disant que je trouverais bien dix minutes pendant le voyage pour la
remplacer. Il pleuvait déjà abondamment sur Marseille mais ce fut le déluge
plus on se rapprochait de la frontière italienne. Avant Menton, l'autoroute
avait été fermée, un glissement de terrain avait déversé des milliers de tonnes
de boue sur les chaussées. On a suivi les déviations en espérant l'accalmie et
que l'ampoule dans le phare brisé n'explose pas. Nous avons passé Gênes, puis
Florence, puis Orvieto et nous sommes arrivé enfin à Rome toujours sous une
pluie battante, essuie-glaces à la vitesse maximum et phares allumés tout le
voyage. L'ampoule avait tenu et quelques jours plus tard je pouvais remplacer
mon optique.
Et puis arriva l'époque des vrais ennuis, un jour en
montant à Aix chez nos amis, un autre voyant rouge nous intimait un arrêt
immédiat. On s'est rangé sur les accotements et conseillés par l'assurance, on
a appelé un dépanneur qui a mis un certain temps pour arriver. Il a chargé
l'Espace sur son plateau mobile et on est redescendu sur Marseille à toute
vitesse, il était près d'une heure du matin lorsqu'on arrivait à la Porte
d'Aix. Des gamins d'une dizaine d'années se faufilaient entre les voitures pour
quémander de la monnaie. Mon dépanneur m'a dit : "Ils commencent à faire
chier ces minots, je vais m'en faire un, un de ces jours." Et au lieu de
ralentir à leur approche, il s'est mis à faire des embardées à droite et à
gauche comme s'il voulait en faucher un. L'Espace sur le plateau donnait du
ballant à la dépanneuse qui devenait difficilement contrôlable. Par bonheur, il
n'en a touché aucun, passé la place nous avons été déposer le véhicule sur le
parking, devant le concessionnaire du boulevard Michelet.
Ce même concessionnaire que j'allais fréquenter des
années durant pour changement de moteur à répétitions. Là encore, un vice de
fabrication que d'autres utilisateurs d'Espace ont bien connu, celui d'une
pastille de dessablage dans le moteur qui sautait et faisait communiquer le
circuit de l'eau et celui de l'huile avec coulage de bielle à l'appui. Comme un
malheur n'arrive jamais seul, nous étions en 2000 et la loi pour les 35 heures
commençait à être mise en œuvre dans les entreprises publiques. Chez Renault,
on m'a conseillé de remplacer carrément le moteur : c'est cher mais vous
repartez sur de bonnes bases. Va pour le conseil, faites le nécessaire. Les
mécanos qui ont démonté, à cause des 35 heures, ne furent pas les mêmes que
ceux qui remontèrent. C'est à ce moment-là que je me suis aperçu que la
climatisation de mon Espace n'était pas d'origine et que les remonteurs,
n'ayant pas vu comment était son montage spécifique l'avaient remontée à
l'envers. Pendant les mois qui suivirent, je n'ai pas arrêté de ramener
l'Espace chez le concessionnaire pour lui dire que j'avais un bruit étrange et
inquiétant dans le moteur. Evidemment, pour eux je n'étais qu'un râleur
jusqu'au jour où le moteur neuf a cassé à son tour. Après ça, j'ai exigé le
remplacement du moteur à leurs frais puisqu'il s'agissait d'une faute de leur
part et j'avais les preuves de mes passages. Contraints, ils se sont exécutés
mais ont refusé de remonter ma climatisation qui n'était pas une Renault
d'origine. J'ai dû faire remonter celle-ci par un spécialiste de clim. Et la
série noire a continué pendant deux ans, toujours liée au circuit de
refroidissement.
Début juin 2002, j'ai fait réviser par Renault Michelet mon
Espace en vue d'un voyage vers la Bretagne, j'ai payé une somme avoisinant les mille
euros et nous sommes partis début juillet pour Lorient. Nous avions à peine
commencé le voyage, bien avant d'arriver à Arles, à l'endroit où la nationale de
Fos rejoint l'autoroute de Salon, le moteur s'est mis à accélérer tout seul, de
plus en plus vite, une fumée blanche monstrueuse, véritable mur opaque, noyait
la route derrière nous, le turbo avait explosé. J'avais beau freiner et essayer
de couper le contact, rien n'y faisait et puis brusquement le moteur s'est tût.
En continuant en roue libre, j'ai pu me garer sur le côté. Je n'avais pas de
portable, nous avions tout notre barda pour les vacances. J'ai essayé en vain
d'arrêter un véhicule. Au bout d'une heure, un automobiliste s'est arrêté, il
était déjà passé par là trois quart d'heure avant et avait été pris de pitié,
pour les enfants surtout. Il avait un portable et a appelé pour nous
l'assistance de l'assurance qui m'a dit qu'elle nous envoyait une dépanneuse
depuis Arles. Le monsieur au portable est reparti et nous avons attendu trois
heures la dépanneuse qui, soi-disant, n'avait pas bien compris où on se
trouvait. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de ne plus prendre la route sans
téléphone portable. L'Espace a été emmené chez Renault Arles. Un taxi commandé
par l'assurance nous y attendait et nous a ramené sur Marseille avec toutes nos
affaires.
Quelques jours plus tard, chez Peugeot Michelet, la concurrence,
j'achetais une 306 break, en occasion lion. L'Espace cassé qui avait encore
bonne allure m'a été racheté par un chef d'atelier de Renault Arles pour mille
euros soit l'équivalent de ma dernière réparation le mois précédent. Depuis ce
jour, j'ai juré que plus jamais on ne me verrait rouler en Renault.
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