mardi 26 octobre 2021

Aventure Facebook du 23-10-2021

"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°9 : La 306 SW Peugeot de 2001 (de 2002 à 2016).

Achetée dans l'urgence, avec peu de moyens, la 306 ressemblait beaucoup à un mariage de raison. C'était encore un diesel mais atmosphérique cette fois, entendre sans Turbo. Habitué à une voiture nerveuse et puissante, j'ai très vite regretté mon Turbo et j'avais un peu l'impression d'avoir retrouvé les performances de ma 2 cv dès qu'une côte un peu longue s'annonçait sur l'autoroute. Ça ne m'a pas empêché d'attraper un maximum de PV pour excès de vitesse tout au long de ces années riches en radars automatiques, gendarmes planqués avec leurs jumelles et autres voitures pièges que ce soit en ville ou à la campagne.

Elle était gris bleu métallisé, consommait très peu de carburant et avait, elle aussi, une climatisation. Elle était équipée de barres de toit et les sièges arrière rabattants permettaient une grande plateforme de chargement, en réalité, un volume bien moindre que nos véhicules précédents. Les enfants grandissaient et souhaitaient de moins en moins passer des vacances en famille, du coup, cela ne posait plus trop de problèmes.

Curieusement, ce fut un véhicule affecté davantage aux transports d'objets que de passagers et le souvenir marquant de ces quatorze années de vie commune reste lié à l'art et aux déménagements d'affaires en tous genres. Comme les enfants se sont engagés dans des études supérieures, la 306 a souvent servi pour divers petits déménagements de la maison à leurs chambres d'étudiant et retour ou encore pour nos affaires moins usitées entre les deux maisons parentales. Une fois, nous sommes revenus de Lorient avec un énorme coffre chinois en bois de santal qui passait juste sous le toit, il était bien calé par d'autres souvenirs familiaux divers au format inhabituel. Il y avait par exemple, une sagaie maorie, avec son arc et ses flèches d'un mètre quatre-vingt-dix, qui tenaient juste entre la courbure du toit et le coffre chinois. A chaque coup de freins un peu brusque il fallait baisser la tête promptement pour éviter la pointe de la lance qui était projetée vers l'avant et venait finir sa course sur le parebrise.

A cette période, Chloé est entrée aux Beaux-arts, dans une formation volume. Un des premiers exercices imposés était de faire une sculpture en torchis. De la tuilerie de Saint Henri, j'ai chargé la 306 de près d'une demi tonne de tuiles d'argile molle, j'avais l'impression que les pneus touchaient la carrosserie. Du Centre équestre Pastré, j'ai ramené deux ou trois bottes de paille. Un peu plus tard, elle travaillait sur des sculptures en glace et c'est un petit congélateur qui est rentré dans la voiture. D'autres fois c'était du mobilier de chez Emmaüs. Ensuite, il y a eu des structures de verre, des bonhommes en lanières de carton et de rhodoïd, de grandes plaques de plexiglass, de 2 m par 1,20 m, avec des impressions de bonhommes en flammes, amarrées sur le toit. Puis est venu le temps des installations avec plaques de polycarbonate et ballons en gélatine fluorescente et tout un inventaire où Prévert n'y retrouverait plus ses petits.

Dans le cadre d'Erasmus, Chloé a suivi une formation d'un an dans une école d'art britannique à Bristol. En fin d'année on traversait la Manche avec la 306 pour la ramener et récupérer ses dernières productions. C'est là, après quelques frayeurs dans des ronds-points, que j'ai compris que la conduite à gauche n'était pas très naturelle ni pour nos voitures, ni pour nos reflexes frenchies habituels. Cela ne nous a pas empêché d'aller voir le lieu magique du Tor de Glastonbury où Sting a tourné le clip de "If I Ever Lose My Faith In You" et de découvrir la soi-disant tombe du Roi Arthur et de Guenièvre au milieu des ruines de l'Abbaye de Glastonbury où quelques mois auparavant, Neil Young, Bruce Springsteen et Blur avaient enflammé le public du non moins célèbre Festival du même nom.

Et puis, il y a eu aussi les premières expositions de Chloé : Le Parcours de l'Art, à Avignon, où la 306 était chargée de dizaines de bonhommes en matériaux divers, l'autre à Fontaine obscure, à Aix-en-Provence, avec des mannequins bourrés de bandes de plastique orange, une autre sur Marseille, aux Ateliers Boisson, Archipélique 3 avec ses installations aux lumières noires.

L'autre implication dans l'Art et les Arts Plastiques de la 306 était plus usuelle et moins manutentionnaire. Elle nous a permis de nous rendre à cinq ou six Biennales de Venise et autant pour celles de Lyon, de faire régulièrement des sauts dans les grands musées parisiens et ceux de toute la région du Sud-Est, de Nîmes à Nice et avec une régularité de métronome pour Arles et Avignon. Une autre séquelle, et non des moindres, fut que nous avons pu nous rendre à la rencontre d'artistes vivants ou participer à des œuvres comme ce fut le cas pour un pique-nique avec Joan Fontcuberta et Stéphane Bérard à Digne en 2012. Ou encore les vernissages au MAMAC à Nice, pour y croiser les belges Wim Delvoye en 2010, et Arne Quinze en 2013. Le souvenir le plus marquant reste la descente du Rhône d'Arles à Salins-de-Giraud de la "Decise" de et avec Tadashi Kawamata, le 14 juillet 2013. Quatre heures sur un pointu à procrastiner en regardant le paysage, Decise et les autres embarcations de la flottille sous un soleil radieux rythmé par les pout-pouts du diesel. A l'arrivée l'œuvre voyageuse a été chargée sur une remorque puis installée à Salins en tant qu'aire de jeux d'enfants. La 306 était restée sur les quais Saint Pierre à Trinquetaille pendant tout ce temps et après une demi-heure de navette routière, je la récupérais pour aller chercher le reste de la famille restée à Salins.

En août 2012, de retour de la Grande Parade du Festival Interceltique à Lorient, nous étions un peu perdus dans un lotissement du quartier du Manio, et brusquement la 306 heurtait et projetait contre une clôture une camionnette qui avait abusé de sa priorité et profité de mon manque de vigilance. Je rageais parce que je roulais au pas et surtout parce que je venais de faire repeindre à neuf la voiture un mois avant.

En août 2015, nous étions à Trieste et nous avions projeté d'aller visiter les grottes de Postumia (Postujna), en Slovénie voisine, avec nos nièces. Nos pique-niques dans nos sacs, nous descendons à la voiture de bon matin, j'actionne le Neiman, le démarreur tourne mais le moteur refuse de partir. J'insiste une bonne dizaine de fois avant de renoncer, je vais voir un garagiste à deux pas sur le boulevard Gabriele d'Annunzio, il vient, essaye à son tour et constate l'anomalie. Il pense que cela vient de l'antivol électronique et me conseille d'aller voir chez un concessionnaire Peugeot à quelques kilomètres et m'y amène avec sa dépanneuse. Nathalie, ma belle-sœur, m'accompagne pour traduire en italien et en français. Les tentatives pour réinitialiser l'ordinateur de bord sont infructueuses et le chef d'atelier me propose un bricolage pour le court-circuiter : il installe un fil et un condensateur entre deux éléments électriques dont la batterie. Le hic, c'est que lorsque j'arrêterais dorénavant la 306, il faudra retirer ce fil de la batterie sous peine de la voir se vider entièrement et donc de ne plus pouvoir redémarrer. J'accepte cet aménagement en me disant que cela ira bien pour rentrer et que je ferais réparer sérieusement à Marseille.

Une fois à Marseille, je déchantais rapidement : le changement d'ordinateur de bord coûtait une somme énorme pour une vieille mécanique bien fatiguée qui commençait à me ruiner en réparations diverses.  Nous avons donc roulé avec le bricolage d'Italie pendant les cinq ou six mois qui suivirent, avec manipulation dans le capot bien sûr, et puis, j'ai cherché une remplaçante. Plutôt satisfaits de la 306, nous souhaitions une 308 SW (break) avec toit transparent mais il n'y en avait pas de disponible d'occasion à ce moment-là, le commercial nous a montré une 508 SW blanche avec le toit comme on voulait. C'était un diesel mais très puissant avec boite automatique, une merveille sur quatre roues d'après le vendeur. La 306 a été reprise en l'état pour une somme honnête et je l'ai donc lâchement abandonnée sur le parking de chez Peugeot avec un panneau explicatif pour le branchement particulier sous le capot.








Joan Fontcuberta et Stéphane Bérard, Arne Quinze, Wim Delvoye

Decise et Tadashi Kawamata


A Peugeot Trieste

A Peugeot Marseille

2004-07-29 Carcassonne et autres, de retour de Lorient (photo de Chloé)

2006-04-16 Pâques à Mougins, Jean-Paul sur la mini-moto

2008-03-13 L'Atelier 36 aux Beaux-Arts, Sculptures de Chloé

2008-10-04 Exposition de Chloé au Parcours de l'Art, Espace Vaucluse, Avignon

2009-05-01 Arles, le pont Van Gogh (ex Pont de Langlois)

2009-07-22 Devant la maison à Mougins

2009-11-08 Brûlage des bonhommes de Chloé à Aix (photo d'Hervé où Françoise)

2010-08-07 Chez Bruno, la maison du Pacha

2012-08-06 Lorient la 306 abimée

2012-08-06 Lorient la 306 abimée

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