jeudi 18 novembre 2021

Aventure Facebook du 15-11-2021

"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°10 : La 508 SW Peugeot de 2014 (de 2016 à aujourd'hui).

Décidément, c'était ma troisième Peugeot à quatre roues, la cinquième toutes roues confondues (revoir les épisodes précédents). Une savonnette nacrée avec vue sur la voie lactée mais surtout, c'était ma voiture d'handicapé. Tout était assisté, la direction, la boite à vitesse automatique, les phares, les essuie-glaces, les sièges arrière se couchaient devant le chargement en touchant un levier, les portes se déverrouillaient à notre approche, les rétroviseurs se blottissaient contre la carrosserie dès qu'on partait, le moteur se stoppait aux feux rouges et se redémarrait tout seul pour consommer et polluer moins. Une merveille à roulettes avait dit le vendeur, ce n'était pas loin de la vérité, n'empêche qu'elle devait être sur le parking du concessionnaire depuis de longs mois et ne trouvait pas preneur parce qu'elle portait la lettre écarlate de l'infamie en ces temps de 'verditude', et oui, c'était toujours un diesel avec clim. Mais minute les amis, un Blue-HDI de 180 chevaux qui, parait-il, pollue moins qu'une motorisation essence classique, en témoigne la vignette Crit'Air jaune (catégorie 2). Elle avait une ou deux légères rayures sur le parking de Peugeot mais lorsque je suis venu la récupérer après achat, elle avait été entièrement repeinte et flambait comme une neuve.  Elle était un peu grosse et un peu longue, pas facile pour les créneaux en ville avec les multiples capteurs qui sonnaient tout le temps, mais quel confort pour les longs trajets avec son Cruise qui me laissait les pieds libres et l'esprit serein par rapport aux radars de vitesse. J'avais trouvé ma Benz, la lourdeur teutonne en moins.

La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a et ses 4 m 82 de long pour la sortie étroite et tournante de mon garage de la rue de Provence étaient un problème pour garder une carrosserie impeccable. Ça a commencé par de fines rayures sur le bas de caisse à l'avant gauche qui sont devenues de multiples superpositions de rayures au fur et à mesure des sorties. J'ai voulu changer de garage mais je n'ai rien trouvé à ce jour dans le quartier, alors je continue à maudire ce minuscule bout de trottoir dans la rampe qui ne sert à aucun piéton mais sert à rayer ma merveille de temps en temps.

Je me souviens surtout des premières balades de la 508, à la Sainte Victoire avec Hervé et Françoise. Le lac de Bimont avait été en partie vidé et on se promenait sur la vase craquelée couverte de coquilles d'huitres d'eau douce, hérissée de tiges de végétaux, de racines et de souches d'arbres. Un décor sinistré de film post-atomique bordé de pins dans la brume. Une autre fois, tout aussi fantastique mais bien plus esthétique, toujours autour de la Montagne Sainte Victoire, la magie de champs de lavandes, associée au gris du calcaire et au bleu du ciel. Ou encore après, une émotion plastique d'un autre genre encore, à la Petite Camargue de Saint Chamas, devant la parade amoureuse des cygnes, les flamants roses, les hérons, les grenouilles, les guirlandes de canards artificiels en plastique noir et les cabanes de chasseurs. Paysage préservé aux étendues d'eaux miroitantes, algues fluorescentes, vagues d'eau noire portant des oiseaux de mer immaculés avec seulement le bruit du vent dans les roseaux et les conversations d'oiseaux.

Naturellement, la 508 a repris le service de la 306, comprenez : les déménagements des enfants, les virées dans la famille et bien entendu, les sorties artistiques un peu partout : aux Rencontres d'Arles, à la Collection Lambert à Avignon, au Mamac à Nice, aux Biennales de Venise, Palais de Tokyo et autres, Centre Georges Pompidou, et aussi au Musée de l'Homme et au Musée Rodin. Le quotidien de bien des profs d'Arts Plastiques de cette époque.

Dès août 2017, nous étions de retour à Trieste et fermement décidés à oublier l'échec de notre visite à Postumia (Postojna) avec la 306. Nous voilà donc reparti vers la Slovénie et ses fameuses grottes au petit train sur les traces de l'empereur François-Joseph d'Autriche. Enchantés par cette escapade en ex-Yougoslavie et 'drivés' par nos nièces qui connaissaient la région comme le fond de leur poche, on allait tenter une autre virée en Croatie voisine et à Vrsar en particulier. L'occasion d'une remontée dans le temps sans téléportation : la Provence d'il y a cinquante ans avec vente de lavande, d'huile d'olive et de miel au bord de la route, partout des pins, des oliviers et des chênes-lièges jusqu'au bord de l'eau, une mer limpide avec très peu de baigneurs. Plongée dans des paysages paradisiaques où les familles en toute simplicité pique-niquaient sur les rochers en maillots de bain d'une autre époque.

Pour en revenir aux petites rayures dues au garage, elles ont continué de loin en loin, à celles-ci sont venues s'en rajouter d'autres plus visibles et même une authentique collision avec une autre voiture qui descendait la rue des 3 Frères Carasso en marche arrière dans le sens interdit. Son conducteur était un jeune homme navré et confus qui m'a avoué qu'il était sur le chemin pour aller faire réparer son véhicule. Effectivement, il était bien défoncé. Sur le coup, j'ai regardé ma voiture et je n'ai constaté que la plaque d'immatriculation tordue. En bon Prince stupide, je lui ai dit que c'était bon comme ça, qu'avec un bon coup de marteau je redresserai aisément ma plaque, que ce n'était pas la peine de faire un constat. Deux jours après, dans l'ombre du garage, j'ai vu que mon capot était un peu plié sur le devant. La voiture devant aller faire une révision quelques jours plus tard, j'en ai profité pour demander au chef d'atelier quelle somme serait nécessaire pour faire remettre en état le capot et éventuellement reprendre les petites rayures accumulées ici et là. Il a regardé en expert et m'a dit qu'en plus du capot, la calandre en plastique était brisée à plusieurs endroits et qu'il fallait la changer, que les parechocs avant et arrière méritaient de l'être aussi. Bref, il m'a annoncé un chiffre suivi de trois zéros, le cinquième de la somme totale pour laquelle je l'avais achetée en 2016. Elle a donc et va encore passer un certain temps en l'état.

Vinrent ensuite les années Covid et les confinements qui s'en suivirent. La voiture restait au garage et ne le quittait que pour aller récupérer des matériaux sur le parking aménagé pour distanciation de Leroy-Merlin ou des victuailles au supermarché. La 508 sortait si peu, toujours de loin en loin et j'avais peur qu'un jour elle ne démarre pas à cause de la batterie déchargée. Heureusement, ce ne fut jamais le cas.

Si vous êtes des familiers de ma page, vous aurez certainement suivi les Aventures palpitantes de ma mort de 1978, c'était la 508 qui s'y était collée pour transporter le paquet encombrant ou le rapatriement d'autres affaires.

Il y a eu et il y aura encore d'autres voyages au long cours mais il y en a un projet spécial auquel je pensais depuis des années et auquel j'ai définitivement renoncé : le voyage à l'Ermitage de Saint Pétersbourg, avec mon propre véhicule. Le Musée de l'Ermitage, ce Graal de tout plasticien après le Moma de New York et le Guggenheim de Bilbao, entre autres. Aller à la rencontre de ces œuvres repérées dans toutes les Histoires de l'Art un peu sérieuses, par la route, en découvrant jour après jour les pays de l'Est, les pays nordiques, ce ne pouvait qu'être génial. Hélas et peut-être heureusement, il existe Internet et sur le Web, j'ai appris que le voyage en Russie avec sa voiture personnelle était particulièrement déconseillé. Si on n'était pas arraisonné par des brigands de grand chemin, c'est parait-il la police elle-même qui se chargeait de vous distribuer des amendes monstrueuses tout autant qu'arbitraires et que peu de chanceux avaient réussi à passer entre les mailles du filet. Prenez l'avion, c'est un conseil d'ami !

Alors va, renonçons, oublions.

Ne serait-ce pas le signe que quelque chose s'est cassé, rien n'est plus comme avant avec mes mécaniques ? Où est cette liberté de circulation totale qu'on croyait à jamais acquise ? Pourquoi ces coups de butoir incessants sur notre portefeuille pour le carburant, le stationnement, les autoroutes, l'entretien, les radars ? Pourquoi cette culpabilisation de la circulation individuelle ? N'ai-je pas droit à la défiance envers la new-propagande verte ?

Ou plutôt, pourquoi ne pas admettre sans doute possible que je deviens, à moins que je ne l'ai toujours été, un peu dérangé des voitures ?








Paul Gauguin, Les Parau Parau (Les potins), 1891, Paul Cézanne, La Montagne Sainte Victoire au-dessus de la route du Tholonet, 1900, Paul Gauguin, Ea haere ia oe (Où vas-tu ? II), 1893, Claude Monet, Femme dans un jardin, 1867, Paul Gauguin, Taperaa Mahana (Le coucher de soleil), 1892, Albert Marquet, Saint-Jean-de-Luz, 1907, Paul Gauguin, Nave nave moe (Joie de se reposer), 1894, Vincent Van Gogh, Souvenir du jardin d'Eden, femmes d'Arles, 1888



2016-03-27 Pâques à Mougins
2016-03-27 Pâques à Mougins

2017-03-09 Domaine de Saint Ser avec Hervé

2021-07-13 - Ma Mort de 1978 à Mougins

2021-07-13 - Ma Mort de 1978 à Mougins

2021-07-13 - Ma Mort de 1978 à Mougins

2021-07-14 - Ma Mort de 1978 à Mougins

2021-07-14 - Ma Mort de 1978 à Mougins

2021-07-14 - Ma Mort de 1978 à Mougins


2021-09-25 - Rue de Liège à Lorient


2021-11-09 - Dans le garage à Marseille

2021-11-09 - Dans le garage à Marseille

2021-11-09 - Dans le garage à Marseille

2021-11-09 - Dans le garage à Marseille

2021-11-13 - Dans le jardin à Mougins

2021-11-13 - Dans le jardin à Mougins



mardi 26 octobre 2021

Aventure Facebook du 23-10-2021

"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°9 : La 306 SW Peugeot de 2001 (de 2002 à 2016).

Achetée dans l'urgence, avec peu de moyens, la 306 ressemblait beaucoup à un mariage de raison. C'était encore un diesel mais atmosphérique cette fois, entendre sans Turbo. Habitué à une voiture nerveuse et puissante, j'ai très vite regretté mon Turbo et j'avais un peu l'impression d'avoir retrouvé les performances de ma 2 cv dès qu'une côte un peu longue s'annonçait sur l'autoroute. Ça ne m'a pas empêché d'attraper un maximum de PV pour excès de vitesse tout au long de ces années riches en radars automatiques, gendarmes planqués avec leurs jumelles et autres voitures pièges que ce soit en ville ou à la campagne.

Elle était gris bleu métallisé, consommait très peu de carburant et avait, elle aussi, une climatisation. Elle était équipée de barres de toit et les sièges arrière rabattants permettaient une grande plateforme de chargement, en réalité, un volume bien moindre que nos véhicules précédents. Les enfants grandissaient et souhaitaient de moins en moins passer des vacances en famille, du coup, cela ne posait plus trop de problèmes.

Curieusement, ce fut un véhicule affecté davantage aux transports d'objets que de passagers et le souvenir marquant de ces quatorze années de vie commune reste lié à l'art et aux déménagements d'affaires en tous genres. Comme les enfants se sont engagés dans des études supérieures, la 306 a souvent servi pour divers petits déménagements de la maison à leurs chambres d'étudiant et retour ou encore pour nos affaires moins usitées entre les deux maisons parentales. Une fois, nous sommes revenus de Lorient avec un énorme coffre chinois en bois de santal qui passait juste sous le toit, il était bien calé par d'autres souvenirs familiaux divers au format inhabituel. Il y avait par exemple, une sagaie maorie, avec son arc et ses flèches d'un mètre quatre-vingt-dix, qui tenaient juste entre la courbure du toit et le coffre chinois. A chaque coup de freins un peu brusque il fallait baisser la tête promptement pour éviter la pointe de la lance qui était projetée vers l'avant et venait finir sa course sur le parebrise.

A cette période, Chloé est entrée aux Beaux-arts, dans une formation volume. Un des premiers exercices imposés était de faire une sculpture en torchis. De la tuilerie de Saint Henri, j'ai chargé la 306 de près d'une demi tonne de tuiles d'argile molle, j'avais l'impression que les pneus touchaient la carrosserie. Du Centre équestre Pastré, j'ai ramené deux ou trois bottes de paille. Un peu plus tard, elle travaillait sur des sculptures en glace et c'est un petit congélateur qui est rentré dans la voiture. D'autres fois c'était du mobilier de chez Emmaüs. Ensuite, il y a eu des structures de verre, des bonhommes en lanières de carton et de rhodoïd, de grandes plaques de plexiglass, de 2 m par 1,20 m, avec des impressions de bonhommes en flammes, amarrées sur le toit. Puis est venu le temps des installations avec plaques de polycarbonate et ballons en gélatine fluorescente et tout un inventaire où Prévert n'y retrouverait plus ses petits.

Dans le cadre d'Erasmus, Chloé a suivi une formation d'un an dans une école d'art britannique à Bristol. En fin d'année on traversait la Manche avec la 306 pour la ramener et récupérer ses dernières productions. C'est là, après quelques frayeurs dans des ronds-points, que j'ai compris que la conduite à gauche n'était pas très naturelle ni pour nos voitures, ni pour nos reflexes frenchies habituels. Cela ne nous a pas empêché d'aller voir le lieu magique du Tor de Glastonbury où Sting a tourné le clip de "If I Ever Lose My Faith In You" et de découvrir la soi-disant tombe du Roi Arthur et de Guenièvre au milieu des ruines de l'Abbaye de Glastonbury où quelques mois auparavant, Neil Young, Bruce Springsteen et Blur avaient enflammé le public du non moins célèbre Festival du même nom.

Et puis, il y a eu aussi les premières expositions de Chloé : Le Parcours de l'Art, à Avignon, où la 306 était chargée de dizaines de bonhommes en matériaux divers, l'autre à Fontaine obscure, à Aix-en-Provence, avec des mannequins bourrés de bandes de plastique orange, une autre sur Marseille, aux Ateliers Boisson, Archipélique 3 avec ses installations aux lumières noires.

L'autre implication dans l'Art et les Arts Plastiques de la 306 était plus usuelle et moins manutentionnaire. Elle nous a permis de nous rendre à cinq ou six Biennales de Venise et autant pour celles de Lyon, de faire régulièrement des sauts dans les grands musées parisiens et ceux de toute la région du Sud-Est, de Nîmes à Nice et avec une régularité de métronome pour Arles et Avignon. Une autre séquelle, et non des moindres, fut que nous avons pu nous rendre à la rencontre d'artistes vivants ou participer à des œuvres comme ce fut le cas pour un pique-nique avec Joan Fontcuberta et Stéphane Bérard à Digne en 2012. Ou encore les vernissages au MAMAC à Nice, pour y croiser les belges Wim Delvoye en 2010, et Arne Quinze en 2013. Le souvenir le plus marquant reste la descente du Rhône d'Arles à Salins-de-Giraud de la "Decise" de et avec Tadashi Kawamata, le 14 juillet 2013. Quatre heures sur un pointu à procrastiner en regardant le paysage, Decise et les autres embarcations de la flottille sous un soleil radieux rythmé par les pout-pouts du diesel. A l'arrivée l'œuvre voyageuse a été chargée sur une remorque puis installée à Salins en tant qu'aire de jeux d'enfants. La 306 était restée sur les quais Saint Pierre à Trinquetaille pendant tout ce temps et après une demi-heure de navette routière, je la récupérais pour aller chercher le reste de la famille restée à Salins.

En août 2012, de retour de la Grande Parade du Festival Interceltique à Lorient, nous étions un peu perdus dans un lotissement du quartier du Manio, et brusquement la 306 heurtait et projetait contre une clôture une camionnette qui avait abusé de sa priorité et profité de mon manque de vigilance. Je rageais parce que je roulais au pas et surtout parce que je venais de faire repeindre à neuf la voiture un mois avant.

En août 2015, nous étions à Trieste et nous avions projeté d'aller visiter les grottes de Postumia (Postujna), en Slovénie voisine, avec nos nièces. Nos pique-niques dans nos sacs, nous descendons à la voiture de bon matin, j'actionne le Neiman, le démarreur tourne mais le moteur refuse de partir. J'insiste une bonne dizaine de fois avant de renoncer, je vais voir un garagiste à deux pas sur le boulevard Gabriele d'Annunzio, il vient, essaye à son tour et constate l'anomalie. Il pense que cela vient de l'antivol électronique et me conseille d'aller voir chez un concessionnaire Peugeot à quelques kilomètres et m'y amène avec sa dépanneuse. Nathalie, ma belle-sœur, m'accompagne pour traduire en italien et en français. Les tentatives pour réinitialiser l'ordinateur de bord sont infructueuses et le chef d'atelier me propose un bricolage pour le court-circuiter : il installe un fil et un condensateur entre deux éléments électriques dont la batterie. Le hic, c'est que lorsque j'arrêterais dorénavant la 306, il faudra retirer ce fil de la batterie sous peine de la voir se vider entièrement et donc de ne plus pouvoir redémarrer. J'accepte cet aménagement en me disant que cela ira bien pour rentrer et que je ferais réparer sérieusement à Marseille.

Une fois à Marseille, je déchantais rapidement : le changement d'ordinateur de bord coûtait une somme énorme pour une vieille mécanique bien fatiguée qui commençait à me ruiner en réparations diverses.  Nous avons donc roulé avec le bricolage d'Italie pendant les cinq ou six mois qui suivirent, avec manipulation dans le capot bien sûr, et puis, j'ai cherché une remplaçante. Plutôt satisfaits de la 306, nous souhaitions une 308 SW (break) avec toit transparent mais il n'y en avait pas de disponible d'occasion à ce moment-là, le commercial nous a montré une 508 SW blanche avec le toit comme on voulait. C'était un diesel mais très puissant avec boite automatique, une merveille sur quatre roues d'après le vendeur. La 306 a été reprise en l'état pour une somme honnête et je l'ai donc lâchement abandonnée sur le parking de chez Peugeot avec un panneau explicatif pour le branchement particulier sous le capot.








Joan Fontcuberta et Stéphane Bérard, Arne Quinze, Wim Delvoye

Decise et Tadashi Kawamata


A Peugeot Trieste

A Peugeot Marseille

2004-07-29 Carcassonne et autres, de retour de Lorient (photo de Chloé)

2006-04-16 Pâques à Mougins, Jean-Paul sur la mini-moto

2008-03-13 L'Atelier 36 aux Beaux-Arts, Sculptures de Chloé

2008-10-04 Exposition de Chloé au Parcours de l'Art, Espace Vaucluse, Avignon

2009-05-01 Arles, le pont Van Gogh (ex Pont de Langlois)

2009-07-22 Devant la maison à Mougins

2009-11-08 Brûlage des bonhommes de Chloé à Aix (photo d'Hervé où Françoise)

2010-08-07 Chez Bruno, la maison du Pacha

2012-08-06 Lorient la 306 abimée

2012-08-06 Lorient la 306 abimée

samedi 2 octobre 2021

Aventure Facebook du 1-10-2021


"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°8 : L'Espace II Renault/Matra de 1992.

Il était "Bleu de Chine", un bleu sombre métallisé et avait un intérieur gris clair. C'était un Turbo Diesel de 2,2 l et il avait la climatisation : un cauchemar d'écolo-green intégriste. Son précédent propriétaire devait être très soigneux parce qu'il était comme neuf lors de notre acquisition. Très agréable à conduire, très confortable, nous l'avons tout de suite adopté tout comme le garage de la rue de Provence qui nous a enfin accepté. Tout le monde l'aimait : les enfants qui avaient des sièges à tablette aussi bons que ceux des 747 qu'ils connaissaient bien, nous parce qu'on était un peu perché comme dans le Transit et que c'était beaucoup moins bruyant et puis aussi un chat errant qui trainait dans le garage et qui montait se chauffer sur le moteur dès qu'on avait tourné les talons. 

Mais comment peut-on à la fois se blottir douillettement sur la culasse d'un moteur refroidissant et faire ses besoins dessus. C'est une logique féline que j'ai toujours eu du mal à comprendre. La climatisation avait sa prise d'air frais dans le capot-moteur et nous n'avons pas tardé à constater une odeur nauséabonde lors de nos sorties. Après une enquête pointilleuse, j'ai fini par trouver l'origine du parfum. Comme j'avais toujours dans le coffre un bidon d'eau et une éponge, j'ai nettoyé. Mais le lendemain, c'était à refaire et ça a recommencé comme ça de multiples fois avant que je me décide à acheter du grillage pour bloquer tous les accès au moteur par roues et les longerons. Peine perdue, ce malin arrivait toujours à trouver une faille dans mon dispositif et, de fil en aiguille, j'en suis venu à chercher une solution pour l'éliminer définitivement. Pardon d'avance aux amis des animaux et à Chris Marker mais j'ai acheté de la mort aux rats et des boites d'aliments pour chats que j'ai copieusement empoisonnées et disposées sur le moteur. Lors de mes vérifications, en ouvrant le capot, la nourriture disparaissait mais le chat revenait toujours, pire, il avait maintenant une diarrhée encore plus liquide, plus difficile à nettoyer. En désespoir de cause, j'en ai parlé au propriétaire du garage que j'ai vu quelques jours plus tard, fusil à air comprimé en main, tirant entre les voitures. Il ne l'a peut-être pas tué mais je n'ai plus eu à nettoyer mon moteur après cette traque musclée.

Pendant les trois ans qui ont suivi on a adoré cette machine. On amenait les enfants à leurs compétitions d'escrime avec leur matériel imposant, on sillonnait la France, la Suisse, l'Italie pour voir la famille ou pour des expositions. On a même été des Naufragés de la neige en janvier 1997 au Sud de Lyon. Le Col du Grand Bœuf avait neutralisé des kyrielles de poids-lourds et l'autoroute était devenu impraticable. Les pompiers nous ont fait sortir en démontant les glissières de sécurité et nous ont escortés vers un gymnase du côté de Péage de Roussillon où on a été hébergé pour la nuit. Grâce au volume de l'Espace, on avait toujours nos duvets à bord, ce ne fut qu'un épisode imprévu mais pas si désagréable que ça. Le lendemain on tentait une sortie, on achetait des chaînes pour l'Espace dans un Supermarché voisin et on se risquait sur la route nationale. On roulait parfaitement sur la neige mais plus trop sur la route qu'on avait beaucoup de mal à suivre en évitant les voitures abandonnées et les poids lourds en travers des ronds-points. De trottoirs en bas-côtés, petit à petit, on a regagné Valence où a retrouvé l'autoroute, ouverte et gratuite pour l'occasion.

Une autre fois, en revenant de Lorient, un peu avant Toulouse, un voyant rouge s'est allumé au tableau de bord. Nous sommes sortis à la première bretelle et nous avons essayé de trouver un garagiste susceptible de trouver et réparer la panne. Plusieurs ont regardé et ont constaté qu'une durite s'était rompue mais ils ne pouvaient pas réparer n'ayant pas la pièce en stock. Le dernier m'a conseillé d'appeler le service Renault Assistance 24/24. C'est ce que nous avons fait et une demi-heure plus tard nous attendions la camionnette sur un parking convenu. La pièce a été changée et nous avons regagné Marseille. Un mois plus tard, Béatrice recevait un coup de fil d'une brigade de gendarmerie de Toulouse nous demandant si nous avions toujours notre Espace et de quelle couleur il était. Elle a répondu Bleu de Chine ; c'est alors qu'ils lui ont dit qu'un Espace de couleur verte circulait dans la région toulousaine et avait été appréhendé pour une infraction. Il portait la même immatriculation que notre véhicule : 2341 RY 13, mais la couleur figurant sur la plaque de châssis ne correspondait pas. Une coïncidence comme celle-là n'était pas fortuite et notre immatriculation avait dû être communiquée par un des garagistes consultés lors de notre panne toulousaine ou peut-être par l'homme qui avait fait la réparation.

Nous avions décidé d'aller voir Bruno à Rome, à l'époque mon beau-frère était attaché naval à l'ambassade de France, dans le même pâté de maison que l'église Saint-Louis-des-Français où sévissait "La Vocation de Saint Matthieu" et deux autres Caravage, à deux pas de la piazza Navona. Le voyage avait mal commencé, au moment de partir, en me serrant trop près d'une protection d'arbre pour charger devant la maison, j'ai brisé mon optique de phare droite. J'ai filé immédiatement chez Renault et j'ai acheté la pièce en me disant que je trouverais bien dix minutes pendant le voyage pour la remplacer. Il pleuvait déjà abondamment sur Marseille mais ce fut le déluge plus on se rapprochait de la frontière italienne. Avant Menton, l'autoroute avait été fermée, un glissement de terrain avait déversé des milliers de tonnes de boue sur les chaussées. On a suivi les déviations en espérant l'accalmie et que l'ampoule dans le phare brisé n'explose pas. Nous avons passé Gênes, puis Florence, puis Orvieto et nous sommes arrivé enfin à Rome toujours sous une pluie battante, essuie-glaces à la vitesse maximum et phares allumés tout le voyage. L'ampoule avait tenu et quelques jours plus tard je pouvais remplacer mon optique.

Et puis arriva l'époque des vrais ennuis, un jour en montant à Aix chez nos amis, un autre voyant rouge nous intimait un arrêt immédiat. On s'est rangé sur les accotements et conseillés par l'assurance, on a appelé un dépanneur qui a mis un certain temps pour arriver. Il a chargé l'Espace sur son plateau mobile et on est redescendu sur Marseille à toute vitesse, il était près d'une heure du matin lorsqu'on arrivait à la Porte d'Aix. Des gamins d'une dizaine d'années se faufilaient entre les voitures pour quémander de la monnaie. Mon dépanneur m'a dit : "Ils commencent à faire chier ces minots, je vais m'en faire un, un de ces jours." Et au lieu de ralentir à leur approche, il s'est mis à faire des embardées à droite et à gauche comme s'il voulait en faucher un. L'Espace sur le plateau donnait du ballant à la dépanneuse qui devenait difficilement contrôlable. Par bonheur, il n'en a touché aucun, passé la place nous avons été déposer le véhicule sur le parking, devant le concessionnaire du boulevard Michelet.

Ce même concessionnaire que j'allais fréquenter des années durant pour changement de moteur à répétitions. Là encore, un vice de fabrication que d'autres utilisateurs d'Espace ont bien connu, celui d'une pastille de dessablage dans le moteur qui sautait et faisait communiquer le circuit de l'eau et celui de l'huile avec coulage de bielle à l'appui. Comme un malheur n'arrive jamais seul, nous étions en 2000 et la loi pour les 35 heures commençait à être mise en œuvre dans les entreprises publiques. Chez Renault, on m'a conseillé de remplacer carrément le moteur : c'est cher mais vous repartez sur de bonnes bases. Va pour le conseil, faites le nécessaire. Les mécanos qui ont démonté, à cause des 35 heures, ne furent pas les mêmes que ceux qui remontèrent. C'est à ce moment-là que je me suis aperçu que la climatisation de mon Espace n'était pas d'origine et que les remonteurs, n'ayant pas vu comment était son montage spécifique l'avaient remontée à l'envers. Pendant les mois qui suivirent, je n'ai pas arrêté de ramener l'Espace chez le concessionnaire pour lui dire que j'avais un bruit étrange et inquiétant dans le moteur. Evidemment, pour eux je n'étais qu'un râleur jusqu'au jour où le moteur neuf a cassé à son tour. Après ça, j'ai exigé le remplacement du moteur à leurs frais puisqu'il s'agissait d'une faute de leur part et j'avais les preuves de mes passages. Contraints, ils se sont exécutés mais ont refusé de remonter ma climatisation qui n'était pas une Renault d'origine. J'ai dû faire remonter celle-ci par un spécialiste de clim. Et la série noire a continué pendant deux ans, toujours liée au circuit de refroidissement. 

Début juin 2002, j'ai fait réviser par Renault Michelet mon Espace en vue d'un voyage vers la Bretagne, j'ai payé une somme avoisinant les mille euros et nous sommes partis début juillet pour Lorient. Nous avions à peine commencé le voyage, bien avant d'arriver à Arles, à l'endroit où la nationale de Fos rejoint l'autoroute de Salon, le moteur s'est mis à accélérer tout seul, de plus en plus vite, une fumée blanche monstrueuse, véritable mur opaque, noyait la route derrière nous, le turbo avait explosé. J'avais beau freiner et essayer de couper le contact, rien n'y faisait et puis brusquement le moteur s'est tût. En continuant en roue libre, j'ai pu me garer sur le côté. Je n'avais pas de portable, nous avions tout notre barda pour les vacances. J'ai essayé en vain d'arrêter un véhicule. Au bout d'une heure, un automobiliste s'est arrêté, il était déjà passé par là trois quart d'heure avant et avait été pris de pitié, pour les enfants surtout. Il avait un portable et a appelé pour nous l'assistance de l'assurance qui m'a dit qu'elle nous envoyait une dépanneuse depuis Arles. Le monsieur au portable est reparti et nous avons attendu trois heures la dépanneuse qui, soi-disant, n'avait pas bien compris où on se trouvait. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de ne plus prendre la route sans téléphone portable. L'Espace a été emmené chez Renault Arles. Un taxi commandé par l'assurance nous y attendait et nous a ramené sur Marseille avec toutes nos affaires. 

Quelques jours plus tard, chez Peugeot Michelet, la concurrence, j'achetais une 306 break, en occasion lion. L'Espace cassé qui avait encore bonne allure m'a été racheté par un chef d'atelier de Renault Arles pour mille euros soit l'équivalent de ma dernière réparation le mois précédent. Depuis ce jour, j'ai juré que plus jamais on ne me verrait rouler en Renault. 














Les seules photos que je possède de l'Espace sont les huit floutées ici. Pas une, ne le montre en entier. Quand on aime on ne photographie pas ! Elles datent de décembre 1998, de mai 1999 et 2000, d'août et décembre 2001.