"Mes transports pas amoureux mais presque" ou
"Ces mécaniques que j'ai roulées"
N°10 : La 508 SW Peugeot de 2014 (de 2016 à aujourd'hui).
Décidément, c'était ma troisième Peugeot à quatre roues,
la cinquième toutes roues confondues (revoir les épisodes précédents). Une
savonnette nacrée avec vue sur la voie lactée mais surtout, c'était ma voiture
d'handicapé. Tout était assisté, la direction, la boite à vitesse automatique,
les phares, les essuie-glaces, les sièges arrière se couchaient devant le
chargement en touchant un levier, les portes se déverrouillaient à notre
approche, les rétroviseurs se blottissaient contre la carrosserie dès qu'on
partait, le moteur se stoppait aux feux rouges et se redémarrait tout seul pour
consommer et polluer moins. Une merveille à roulettes avait dit le vendeur, ce
n'était pas loin de la vérité, n'empêche qu'elle devait être sur le parking du
concessionnaire depuis de longs mois et ne trouvait pas preneur parce qu'elle
portait la lettre écarlate de l'infamie en ces temps de 'verditude', et oui,
c'était toujours un diesel avec clim. Mais minute les amis, un Blue-HDI de 180
chevaux qui, parait-il, pollue moins qu'une motorisation essence classique, en
témoigne la vignette Crit'Air jaune (catégorie 2). Elle avait une ou deux
légères rayures sur le parking de Peugeot mais lorsque je suis venu la
récupérer après achat, elle avait été entièrement repeinte et flambait comme
une neuve. Elle était un peu grosse et
un peu longue, pas facile pour les créneaux en ville avec les multiples
capteurs qui sonnaient tout le temps, mais quel confort pour les longs trajets
avec son Cruise qui me laissait les pieds libres et l'esprit serein par rapport
aux radars de vitesse. J'avais trouvé ma Benz, la lourdeur teutonne en moins.
La plus belle fille du monde ne peut donner que ce
qu'elle a et ses 4 m 82 de long pour la sortie étroite et tournante de mon
garage de la rue de Provence étaient un problème pour garder une carrosserie
impeccable. Ça a commencé par de fines rayures sur le bas de caisse à l'avant
gauche qui sont devenues de multiples superpositions de rayures au fur et à
mesure des sorties. J'ai voulu changer de garage mais je n'ai rien trouvé à ce
jour dans le quartier, alors je continue à maudire ce minuscule bout de
trottoir dans la rampe qui ne sert à aucun piéton mais sert à rayer ma
merveille de temps en temps.
Je me souviens surtout des premières balades de la 508, à
la Sainte Victoire avec Hervé et Françoise. Le lac de Bimont avait été en
partie vidé et on se promenait sur la vase craquelée couverte de coquilles
d'huitres d'eau douce, hérissée de tiges de végétaux, de racines et de souches
d'arbres. Un décor sinistré de film post-atomique bordé de pins dans la brume. Une
autre fois, tout aussi fantastique mais bien plus esthétique, toujours autour
de la Montagne Sainte Victoire, la magie de champs de lavandes, associée au
gris du calcaire et au bleu du ciel. Ou encore après, une émotion plastique
d'un autre genre encore, à la Petite Camargue de Saint Chamas, devant la parade
amoureuse des cygnes, les flamants roses, les hérons, les grenouilles, les guirlandes
de canards artificiels en plastique noir et les cabanes de chasseurs. Paysage
préservé aux étendues d'eaux miroitantes, algues fluorescentes, vagues d'eau
noire portant des oiseaux de mer immaculés avec seulement le bruit du vent dans
les roseaux et les conversations d'oiseaux.
Naturellement, la 508 a repris le service de la 306,
comprenez : les déménagements des enfants, les virées dans la famille et bien
entendu, les sorties artistiques un peu partout : aux Rencontres d'Arles, à la
Collection Lambert à Avignon, au Mamac à Nice, aux Biennales de Venise, Palais
de Tokyo et autres, Centre Georges Pompidou, et aussi au Musée de l'Homme et au
Musée Rodin. Le quotidien de bien des profs d'Arts Plastiques de cette époque.
Dès août 2017, nous étions de retour à Trieste et
fermement décidés à oublier l'échec de notre visite à Postumia (Postojna) avec
la 306. Nous voilà donc reparti vers la Slovénie et ses fameuses grottes au
petit train sur les traces de l'empereur François-Joseph d'Autriche. Enchantés
par cette escapade en ex-Yougoslavie et 'drivés' par nos nièces qui
connaissaient la région comme le fond de leur poche, on allait tenter une autre
virée en Croatie voisine et à Vrsar en particulier. L'occasion d'une remontée
dans le temps sans téléportation : la Provence d'il y a cinquante ans avec vente
de lavande, d'huile d'olive et de miel au bord de la route, partout des pins, des
oliviers et des chênes-lièges jusqu'au bord de l'eau, une mer limpide avec très
peu de baigneurs. Plongée dans des paysages paradisiaques où les familles en
toute simplicité pique-niquaient sur les rochers en maillots de bain d'une
autre époque.
Pour en revenir aux petites rayures dues au garage, elles
ont continué de loin en loin, à celles-ci sont venues s'en rajouter d'autres
plus visibles et même une authentique collision avec une autre voiture qui descendait
la rue des 3 Frères Carasso en marche arrière dans le sens interdit. Son
conducteur était un jeune homme navré et confus qui m'a avoué qu'il était sur
le chemin pour aller faire réparer son véhicule. Effectivement, il était bien
défoncé. Sur le coup, j'ai regardé ma voiture et je n'ai constaté que la plaque
d'immatriculation tordue. En bon Prince stupide, je lui ai dit que c'était bon
comme ça, qu'avec un bon coup de marteau je redresserai aisément ma plaque, que
ce n'était pas la peine de faire un constat. Deux jours après, dans l'ombre du
garage, j'ai vu que mon capot était un peu plié sur le devant. La voiture devant
aller faire une révision quelques jours plus tard, j'en ai profité pour
demander au chef d'atelier quelle somme serait nécessaire pour faire remettre
en état le capot et éventuellement reprendre les petites rayures accumulées ici
et là. Il a regardé en expert et m'a dit qu'en plus du capot, la calandre en
plastique était brisée à plusieurs endroits et qu'il fallait la changer, que
les parechocs avant et arrière méritaient de l'être aussi. Bref, il m'a annoncé
un chiffre suivi de trois zéros, le cinquième de la somme totale pour laquelle je
l'avais achetée en 2016. Elle a donc et va encore passer un certain temps en
l'état.
Vinrent ensuite les années Covid et les confinements qui
s'en suivirent. La voiture restait au garage et ne le quittait que pour aller
récupérer des matériaux sur le parking aménagé pour distanciation de
Leroy-Merlin ou des victuailles au supermarché. La 508 sortait si peu, toujours
de loin en loin et j'avais peur qu'un jour elle ne démarre pas à cause de la
batterie déchargée. Heureusement, ce ne fut jamais le cas.
Si vous êtes des familiers de ma page, vous aurez
certainement suivi les Aventures palpitantes de ma mort de 1978, c'était la 508
qui s'y était collée pour transporter le paquet encombrant ou le rapatriement
d'autres affaires.
Il y a eu et il y aura encore d'autres voyages au long
cours mais il y en a un projet spécial auquel je pensais depuis des années et
auquel j'ai définitivement renoncé : le voyage à l'Ermitage de Saint
Pétersbourg, avec mon propre véhicule. Le Musée de l'Ermitage, ce Graal de tout
plasticien après le Moma de New York et le Guggenheim de Bilbao, entre autres. Aller
à la rencontre de ces œuvres repérées dans toutes les Histoires de l'Art un peu
sérieuses, par la route, en découvrant jour après jour les pays de l'Est, les
pays nordiques, ce ne pouvait qu'être génial. Hélas et peut-être heureusement,
il existe Internet et sur le Web, j'ai appris que le voyage en Russie avec sa
voiture personnelle était particulièrement déconseillé. Si on n'était pas
arraisonné par des brigands de grand chemin, c'est parait-il la police
elle-même qui se chargeait de vous distribuer des amendes monstrueuses tout
autant qu'arbitraires et que peu de chanceux avaient réussi à passer entre les
mailles du filet. Prenez l'avion, c'est un conseil d'ami !
Alors va, renonçons, oublions.
Ne serait-ce pas le signe que quelque chose s'est cassé, rien
n'est plus comme avant avec mes mécaniques ? Où est cette liberté de
circulation totale qu'on croyait à jamais acquise ? Pourquoi ces coups de
butoir incessants sur notre portefeuille pour le carburant, le stationnement,
les autoroutes, l'entretien, les radars ? Pourquoi cette culpabilisation de la
circulation individuelle ? N'ai-je pas droit à la défiance envers la new-propagande
verte ?
Ou plutôt, pourquoi ne pas admettre sans doute
possible que je deviens, à moins que je ne l'ai toujours été, un peu dérangé
des voitures ?
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Paul Gauguin, Les Parau Parau (Les potins), 1891, Paul Cézanne, La Montagne Sainte Victoire au-dessus de la
route du Tholonet, 1900, Paul Gauguin, Ea haere ia oe (Où vas-tu ? II), 1893, Claude Monet, Femme dans un jardin, 1867, Paul Gauguin, Taperaa Mahana (Le coucher de soleil), 1892, Albert Marquet, Saint-Jean-de-Luz, 1907, Paul Gauguin, Nave nave moe (Joie de se reposer), 1894, Vincent Van Gogh, Souvenir du jardin d'Eden, femmes
d'Arles, 1888
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2016-03-27 Pâques à Mougins |
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2021-09-25 - Rue de Liège à Lorient
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2021-11-09 - Dans le garage à Marseille
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