mardi 26 octobre 2021

Aventure Facebook du 23-10-2021

"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°9 : La 306 SW Peugeot de 2001 (de 2002 à 2016).

Achetée dans l'urgence, avec peu de moyens, la 306 ressemblait beaucoup à un mariage de raison. C'était encore un diesel mais atmosphérique cette fois, entendre sans Turbo. Habitué à une voiture nerveuse et puissante, j'ai très vite regretté mon Turbo et j'avais un peu l'impression d'avoir retrouvé les performances de ma 2 cv dès qu'une côte un peu longue s'annonçait sur l'autoroute. Ça ne m'a pas empêché d'attraper un maximum de PV pour excès de vitesse tout au long de ces années riches en radars automatiques, gendarmes planqués avec leurs jumelles et autres voitures pièges que ce soit en ville ou à la campagne.

Elle était gris bleu métallisé, consommait très peu de carburant et avait, elle aussi, une climatisation. Elle était équipée de barres de toit et les sièges arrière rabattants permettaient une grande plateforme de chargement, en réalité, un volume bien moindre que nos véhicules précédents. Les enfants grandissaient et souhaitaient de moins en moins passer des vacances en famille, du coup, cela ne posait plus trop de problèmes.

Curieusement, ce fut un véhicule affecté davantage aux transports d'objets que de passagers et le souvenir marquant de ces quatorze années de vie commune reste lié à l'art et aux déménagements d'affaires en tous genres. Comme les enfants se sont engagés dans des études supérieures, la 306 a souvent servi pour divers petits déménagements de la maison à leurs chambres d'étudiant et retour ou encore pour nos affaires moins usitées entre les deux maisons parentales. Une fois, nous sommes revenus de Lorient avec un énorme coffre chinois en bois de santal qui passait juste sous le toit, il était bien calé par d'autres souvenirs familiaux divers au format inhabituel. Il y avait par exemple, une sagaie maorie, avec son arc et ses flèches d'un mètre quatre-vingt-dix, qui tenaient juste entre la courbure du toit et le coffre chinois. A chaque coup de freins un peu brusque il fallait baisser la tête promptement pour éviter la pointe de la lance qui était projetée vers l'avant et venait finir sa course sur le parebrise.

A cette période, Chloé est entrée aux Beaux-arts, dans une formation volume. Un des premiers exercices imposés était de faire une sculpture en torchis. De la tuilerie de Saint Henri, j'ai chargé la 306 de près d'une demi tonne de tuiles d'argile molle, j'avais l'impression que les pneus touchaient la carrosserie. Du Centre équestre Pastré, j'ai ramené deux ou trois bottes de paille. Un peu plus tard, elle travaillait sur des sculptures en glace et c'est un petit congélateur qui est rentré dans la voiture. D'autres fois c'était du mobilier de chez Emmaüs. Ensuite, il y a eu des structures de verre, des bonhommes en lanières de carton et de rhodoïd, de grandes plaques de plexiglass, de 2 m par 1,20 m, avec des impressions de bonhommes en flammes, amarrées sur le toit. Puis est venu le temps des installations avec plaques de polycarbonate et ballons en gélatine fluorescente et tout un inventaire où Prévert n'y retrouverait plus ses petits.

Dans le cadre d'Erasmus, Chloé a suivi une formation d'un an dans une école d'art britannique à Bristol. En fin d'année on traversait la Manche avec la 306 pour la ramener et récupérer ses dernières productions. C'est là, après quelques frayeurs dans des ronds-points, que j'ai compris que la conduite à gauche n'était pas très naturelle ni pour nos voitures, ni pour nos reflexes frenchies habituels. Cela ne nous a pas empêché d'aller voir le lieu magique du Tor de Glastonbury où Sting a tourné le clip de "If I Ever Lose My Faith In You" et de découvrir la soi-disant tombe du Roi Arthur et de Guenièvre au milieu des ruines de l'Abbaye de Glastonbury où quelques mois auparavant, Neil Young, Bruce Springsteen et Blur avaient enflammé le public du non moins célèbre Festival du même nom.

Et puis, il y a eu aussi les premières expositions de Chloé : Le Parcours de l'Art, à Avignon, où la 306 était chargée de dizaines de bonhommes en matériaux divers, l'autre à Fontaine obscure, à Aix-en-Provence, avec des mannequins bourrés de bandes de plastique orange, une autre sur Marseille, aux Ateliers Boisson, Archipélique 3 avec ses installations aux lumières noires.

L'autre implication dans l'Art et les Arts Plastiques de la 306 était plus usuelle et moins manutentionnaire. Elle nous a permis de nous rendre à cinq ou six Biennales de Venise et autant pour celles de Lyon, de faire régulièrement des sauts dans les grands musées parisiens et ceux de toute la région du Sud-Est, de Nîmes à Nice et avec une régularité de métronome pour Arles et Avignon. Une autre séquelle, et non des moindres, fut que nous avons pu nous rendre à la rencontre d'artistes vivants ou participer à des œuvres comme ce fut le cas pour un pique-nique avec Joan Fontcuberta et Stéphane Bérard à Digne en 2012. Ou encore les vernissages au MAMAC à Nice, pour y croiser les belges Wim Delvoye en 2010, et Arne Quinze en 2013. Le souvenir le plus marquant reste la descente du Rhône d'Arles à Salins-de-Giraud de la "Decise" de et avec Tadashi Kawamata, le 14 juillet 2013. Quatre heures sur un pointu à procrastiner en regardant le paysage, Decise et les autres embarcations de la flottille sous un soleil radieux rythmé par les pout-pouts du diesel. A l'arrivée l'œuvre voyageuse a été chargée sur une remorque puis installée à Salins en tant qu'aire de jeux d'enfants. La 306 était restée sur les quais Saint Pierre à Trinquetaille pendant tout ce temps et après une demi-heure de navette routière, je la récupérais pour aller chercher le reste de la famille restée à Salins.

En août 2012, de retour de la Grande Parade du Festival Interceltique à Lorient, nous étions un peu perdus dans un lotissement du quartier du Manio, et brusquement la 306 heurtait et projetait contre une clôture une camionnette qui avait abusé de sa priorité et profité de mon manque de vigilance. Je rageais parce que je roulais au pas et surtout parce que je venais de faire repeindre à neuf la voiture un mois avant.

En août 2015, nous étions à Trieste et nous avions projeté d'aller visiter les grottes de Postumia (Postujna), en Slovénie voisine, avec nos nièces. Nos pique-niques dans nos sacs, nous descendons à la voiture de bon matin, j'actionne le Neiman, le démarreur tourne mais le moteur refuse de partir. J'insiste une bonne dizaine de fois avant de renoncer, je vais voir un garagiste à deux pas sur le boulevard Gabriele d'Annunzio, il vient, essaye à son tour et constate l'anomalie. Il pense que cela vient de l'antivol électronique et me conseille d'aller voir chez un concessionnaire Peugeot à quelques kilomètres et m'y amène avec sa dépanneuse. Nathalie, ma belle-sœur, m'accompagne pour traduire en italien et en français. Les tentatives pour réinitialiser l'ordinateur de bord sont infructueuses et le chef d'atelier me propose un bricolage pour le court-circuiter : il installe un fil et un condensateur entre deux éléments électriques dont la batterie. Le hic, c'est que lorsque j'arrêterais dorénavant la 306, il faudra retirer ce fil de la batterie sous peine de la voir se vider entièrement et donc de ne plus pouvoir redémarrer. J'accepte cet aménagement en me disant que cela ira bien pour rentrer et que je ferais réparer sérieusement à Marseille.

Une fois à Marseille, je déchantais rapidement : le changement d'ordinateur de bord coûtait une somme énorme pour une vieille mécanique bien fatiguée qui commençait à me ruiner en réparations diverses.  Nous avons donc roulé avec le bricolage d'Italie pendant les cinq ou six mois qui suivirent, avec manipulation dans le capot bien sûr, et puis, j'ai cherché une remplaçante. Plutôt satisfaits de la 306, nous souhaitions une 308 SW (break) avec toit transparent mais il n'y en avait pas de disponible d'occasion à ce moment-là, le commercial nous a montré une 508 SW blanche avec le toit comme on voulait. C'était un diesel mais très puissant avec boite automatique, une merveille sur quatre roues d'après le vendeur. La 306 a été reprise en l'état pour une somme honnête et je l'ai donc lâchement abandonnée sur le parking de chez Peugeot avec un panneau explicatif pour le branchement particulier sous le capot.








Joan Fontcuberta et Stéphane Bérard, Arne Quinze, Wim Delvoye

Decise et Tadashi Kawamata


A Peugeot Trieste

A Peugeot Marseille

2004-07-29 Carcassonne et autres, de retour de Lorient (photo de Chloé)

2006-04-16 Pâques à Mougins, Jean-Paul sur la mini-moto

2008-03-13 L'Atelier 36 aux Beaux-Arts, Sculptures de Chloé

2008-10-04 Exposition de Chloé au Parcours de l'Art, Espace Vaucluse, Avignon

2009-05-01 Arles, le pont Van Gogh (ex Pont de Langlois)

2009-07-22 Devant la maison à Mougins

2009-11-08 Brûlage des bonhommes de Chloé à Aix (photo d'Hervé où Françoise)

2010-08-07 Chez Bruno, la maison du Pacha

2012-08-06 Lorient la 306 abimée

2012-08-06 Lorient la 306 abimée

samedi 2 octobre 2021

Aventure Facebook du 1-10-2021


"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°8 : L'Espace II Renault/Matra de 1992.

Il était "Bleu de Chine", un bleu sombre métallisé et avait un intérieur gris clair. C'était un Turbo Diesel de 2,2 l et il avait la climatisation : un cauchemar d'écolo-green intégriste. Son précédent propriétaire devait être très soigneux parce qu'il était comme neuf lors de notre acquisition. Très agréable à conduire, très confortable, nous l'avons tout de suite adopté tout comme le garage de la rue de Provence qui nous a enfin accepté. Tout le monde l'aimait : les enfants qui avaient des sièges à tablette aussi bons que ceux des 747 qu'ils connaissaient bien, nous parce qu'on était un peu perché comme dans le Transit et que c'était beaucoup moins bruyant et puis aussi un chat errant qui trainait dans le garage et qui montait se chauffer sur le moteur dès qu'on avait tourné les talons. 

Mais comment peut-on à la fois se blottir douillettement sur la culasse d'un moteur refroidissant et faire ses besoins dessus. C'est une logique féline que j'ai toujours eu du mal à comprendre. La climatisation avait sa prise d'air frais dans le capot-moteur et nous n'avons pas tardé à constater une odeur nauséabonde lors de nos sorties. Après une enquête pointilleuse, j'ai fini par trouver l'origine du parfum. Comme j'avais toujours dans le coffre un bidon d'eau et une éponge, j'ai nettoyé. Mais le lendemain, c'était à refaire et ça a recommencé comme ça de multiples fois avant que je me décide à acheter du grillage pour bloquer tous les accès au moteur par roues et les longerons. Peine perdue, ce malin arrivait toujours à trouver une faille dans mon dispositif et, de fil en aiguille, j'en suis venu à chercher une solution pour l'éliminer définitivement. Pardon d'avance aux amis des animaux et à Chris Marker mais j'ai acheté de la mort aux rats et des boites d'aliments pour chats que j'ai copieusement empoisonnées et disposées sur le moteur. Lors de mes vérifications, en ouvrant le capot, la nourriture disparaissait mais le chat revenait toujours, pire, il avait maintenant une diarrhée encore plus liquide, plus difficile à nettoyer. En désespoir de cause, j'en ai parlé au propriétaire du garage que j'ai vu quelques jours plus tard, fusil à air comprimé en main, tirant entre les voitures. Il ne l'a peut-être pas tué mais je n'ai plus eu à nettoyer mon moteur après cette traque musclée.

Pendant les trois ans qui ont suivi on a adoré cette machine. On amenait les enfants à leurs compétitions d'escrime avec leur matériel imposant, on sillonnait la France, la Suisse, l'Italie pour voir la famille ou pour des expositions. On a même été des Naufragés de la neige en janvier 1997 au Sud de Lyon. Le Col du Grand Bœuf avait neutralisé des kyrielles de poids-lourds et l'autoroute était devenu impraticable. Les pompiers nous ont fait sortir en démontant les glissières de sécurité et nous ont escortés vers un gymnase du côté de Péage de Roussillon où on a été hébergé pour la nuit. Grâce au volume de l'Espace, on avait toujours nos duvets à bord, ce ne fut qu'un épisode imprévu mais pas si désagréable que ça. Le lendemain on tentait une sortie, on achetait des chaînes pour l'Espace dans un Supermarché voisin et on se risquait sur la route nationale. On roulait parfaitement sur la neige mais plus trop sur la route qu'on avait beaucoup de mal à suivre en évitant les voitures abandonnées et les poids lourds en travers des ronds-points. De trottoirs en bas-côtés, petit à petit, on a regagné Valence où a retrouvé l'autoroute, ouverte et gratuite pour l'occasion.

Une autre fois, en revenant de Lorient, un peu avant Toulouse, un voyant rouge s'est allumé au tableau de bord. Nous sommes sortis à la première bretelle et nous avons essayé de trouver un garagiste susceptible de trouver et réparer la panne. Plusieurs ont regardé et ont constaté qu'une durite s'était rompue mais ils ne pouvaient pas réparer n'ayant pas la pièce en stock. Le dernier m'a conseillé d'appeler le service Renault Assistance 24/24. C'est ce que nous avons fait et une demi-heure plus tard nous attendions la camionnette sur un parking convenu. La pièce a été changée et nous avons regagné Marseille. Un mois plus tard, Béatrice recevait un coup de fil d'une brigade de gendarmerie de Toulouse nous demandant si nous avions toujours notre Espace et de quelle couleur il était. Elle a répondu Bleu de Chine ; c'est alors qu'ils lui ont dit qu'un Espace de couleur verte circulait dans la région toulousaine et avait été appréhendé pour une infraction. Il portait la même immatriculation que notre véhicule : 2341 RY 13, mais la couleur figurant sur la plaque de châssis ne correspondait pas. Une coïncidence comme celle-là n'était pas fortuite et notre immatriculation avait dû être communiquée par un des garagistes consultés lors de notre panne toulousaine ou peut-être par l'homme qui avait fait la réparation.

Nous avions décidé d'aller voir Bruno à Rome, à l'époque mon beau-frère était attaché naval à l'ambassade de France, dans le même pâté de maison que l'église Saint-Louis-des-Français où sévissait "La Vocation de Saint Matthieu" et deux autres Caravage, à deux pas de la piazza Navona. Le voyage avait mal commencé, au moment de partir, en me serrant trop près d'une protection d'arbre pour charger devant la maison, j'ai brisé mon optique de phare droite. J'ai filé immédiatement chez Renault et j'ai acheté la pièce en me disant que je trouverais bien dix minutes pendant le voyage pour la remplacer. Il pleuvait déjà abondamment sur Marseille mais ce fut le déluge plus on se rapprochait de la frontière italienne. Avant Menton, l'autoroute avait été fermée, un glissement de terrain avait déversé des milliers de tonnes de boue sur les chaussées. On a suivi les déviations en espérant l'accalmie et que l'ampoule dans le phare brisé n'explose pas. Nous avons passé Gênes, puis Florence, puis Orvieto et nous sommes arrivé enfin à Rome toujours sous une pluie battante, essuie-glaces à la vitesse maximum et phares allumés tout le voyage. L'ampoule avait tenu et quelques jours plus tard je pouvais remplacer mon optique.

Et puis arriva l'époque des vrais ennuis, un jour en montant à Aix chez nos amis, un autre voyant rouge nous intimait un arrêt immédiat. On s'est rangé sur les accotements et conseillés par l'assurance, on a appelé un dépanneur qui a mis un certain temps pour arriver. Il a chargé l'Espace sur son plateau mobile et on est redescendu sur Marseille à toute vitesse, il était près d'une heure du matin lorsqu'on arrivait à la Porte d'Aix. Des gamins d'une dizaine d'années se faufilaient entre les voitures pour quémander de la monnaie. Mon dépanneur m'a dit : "Ils commencent à faire chier ces minots, je vais m'en faire un, un de ces jours." Et au lieu de ralentir à leur approche, il s'est mis à faire des embardées à droite et à gauche comme s'il voulait en faucher un. L'Espace sur le plateau donnait du ballant à la dépanneuse qui devenait difficilement contrôlable. Par bonheur, il n'en a touché aucun, passé la place nous avons été déposer le véhicule sur le parking, devant le concessionnaire du boulevard Michelet.

Ce même concessionnaire que j'allais fréquenter des années durant pour changement de moteur à répétitions. Là encore, un vice de fabrication que d'autres utilisateurs d'Espace ont bien connu, celui d'une pastille de dessablage dans le moteur qui sautait et faisait communiquer le circuit de l'eau et celui de l'huile avec coulage de bielle à l'appui. Comme un malheur n'arrive jamais seul, nous étions en 2000 et la loi pour les 35 heures commençait à être mise en œuvre dans les entreprises publiques. Chez Renault, on m'a conseillé de remplacer carrément le moteur : c'est cher mais vous repartez sur de bonnes bases. Va pour le conseil, faites le nécessaire. Les mécanos qui ont démonté, à cause des 35 heures, ne furent pas les mêmes que ceux qui remontèrent. C'est à ce moment-là que je me suis aperçu que la climatisation de mon Espace n'était pas d'origine et que les remonteurs, n'ayant pas vu comment était son montage spécifique l'avaient remontée à l'envers. Pendant les mois qui suivirent, je n'ai pas arrêté de ramener l'Espace chez le concessionnaire pour lui dire que j'avais un bruit étrange et inquiétant dans le moteur. Evidemment, pour eux je n'étais qu'un râleur jusqu'au jour où le moteur neuf a cassé à son tour. Après ça, j'ai exigé le remplacement du moteur à leurs frais puisqu'il s'agissait d'une faute de leur part et j'avais les preuves de mes passages. Contraints, ils se sont exécutés mais ont refusé de remonter ma climatisation qui n'était pas une Renault d'origine. J'ai dû faire remonter celle-ci par un spécialiste de clim. Et la série noire a continué pendant deux ans, toujours liée au circuit de refroidissement. 

Début juin 2002, j'ai fait réviser par Renault Michelet mon Espace en vue d'un voyage vers la Bretagne, j'ai payé une somme avoisinant les mille euros et nous sommes partis début juillet pour Lorient. Nous avions à peine commencé le voyage, bien avant d'arriver à Arles, à l'endroit où la nationale de Fos rejoint l'autoroute de Salon, le moteur s'est mis à accélérer tout seul, de plus en plus vite, une fumée blanche monstrueuse, véritable mur opaque, noyait la route derrière nous, le turbo avait explosé. J'avais beau freiner et essayer de couper le contact, rien n'y faisait et puis brusquement le moteur s'est tût. En continuant en roue libre, j'ai pu me garer sur le côté. Je n'avais pas de portable, nous avions tout notre barda pour les vacances. J'ai essayé en vain d'arrêter un véhicule. Au bout d'une heure, un automobiliste s'est arrêté, il était déjà passé par là trois quart d'heure avant et avait été pris de pitié, pour les enfants surtout. Il avait un portable et a appelé pour nous l'assistance de l'assurance qui m'a dit qu'elle nous envoyait une dépanneuse depuis Arles. Le monsieur au portable est reparti et nous avons attendu trois heures la dépanneuse qui, soi-disant, n'avait pas bien compris où on se trouvait. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de ne plus prendre la route sans téléphone portable. L'Espace a été emmené chez Renault Arles. Un taxi commandé par l'assurance nous y attendait et nous a ramené sur Marseille avec toutes nos affaires. 

Quelques jours plus tard, chez Peugeot Michelet, la concurrence, j'achetais une 306 break, en occasion lion. L'Espace cassé qui avait encore bonne allure m'a été racheté par un chef d'atelier de Renault Arles pour mille euros soit l'équivalent de ma dernière réparation le mois précédent. Depuis ce jour, j'ai juré que plus jamais on ne me verrait rouler en Renault. 














Les seules photos que je possède de l'Espace sont les huit floutées ici. Pas une, ne le montre en entier. Quand on aime on ne photographie pas ! Elles datent de décembre 1998, de mai 1999 et 2000, d'août et décembre 2001.





jeudi 2 septembre 2021

Aventure Facebook du 02-09-2021

 "Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°7 : Le Ford Transit de 1984 à 1996 (troisième et dernière période).

Véhicule alternatif ou véhicule dédié aux vacances le Transit nous attendait sagement, tous les ans, dans la région parisienne. L'Oncle Bruno venait de Maule tous les mois pour le démarrer et vérifier son état dans la ferme des Yvelines qu'il nous avait trouvé comme pension. Ce qui fait qu'il a toujours été opérationnel dès qu'on en avait besoin, chaque vacances, au premier tour de clef. Le souci, surtout les premières années où les enfants étaient tout petits, c'était la sécurité à bord. Le Transit était un trois places, il y avait donc trois ceintures de sécurité sur les sièges avant mais rien sur la banquette arrière aménagée par nous, sur un coffre, accolé au lit. Alors, on voyageait de nuit, de préférence, les enfants dormaient sur le lit ou jouaient au sol sur la moquette et ils adoraient ça. Par bonheur, il n'y a jamais eu de freinage en catastrophe qui aurait pu les projeter sur les parois capitonnées ou sur la lunette arrière. On ne voyageait jamais l'esprit tranquille !

Au début, on prenait encore les autoroutes au tarif presque double des voitures mais les années passant, sans oublier la gourmandise en Super du moteur, finirent par avoir raison de notre budget transport et on s'est dit que les nationales, finalement, n'avaient pas que des désavantages. Pourtant, chaque année ou presque, on faisait notre tour de France : de Paris à Mougins, de Mougins à Lorient, de Lorient à Paris, dans ce sens ou dans l'autre, tous les étés et une ou deux fois à Noël, pour garder une vie de famille et que nos parents voient grandir leurs petits-enfants. Et puis, en 1993, on est rentré définitivement sur Marseille et le Transit est devenu notre véhicule principal pour les trois années qui vont suivre.

Les orages d'août peuvent être sauvages en Provence et, lors d'une balade vers Sisteron, le Transit a essuyé une averse de grêle avant d'arriver à Manosque qui nous a tous terrifié et nous a obligé à nous arrêter sur la première aire venue. Les grêlons avaient la taille d'œufs de pigeons et martelaient les tôles comme des flashballs en continu. Nous avions un toit ouvrant en verre et la violence des impacts était si forte qu'on craignait à tous instants de voir la vitre exploser. Les enfants, juste en dessous, s'étaient repliés angoissés sur le lit et on a attendu que cela se calme. Dix minutes après, tout était fini, la vitre du toit avait résisté, on est sorti pour voir les marques sur la tôle mais là aussi, aucuns stigmates de l'agression passée, seuls les glaçons énormes jonchant le sol témoignaient qu'on n'avait pas rêvé.

Les balades en famille se sont plus raréfiées et le Transit me servait surtout pour aller au travail au lycée ou aux réunions pour les corrections du Bac. A l'époque, on corrigeait à Toulon les épreuves plastiques des deux Académies : Aix-Marseille et Nice. C'est là que j'y ai retrouvé pour la première fois Gilles Boudot, un camarade de la même promotion que moi à Luminy, vingt ans auparavant. J'avais toujours mon copilote officiel, Marie-Françoise, qui a fait plusieurs fois le trajet avec moi, sur cette banquette avant un peu spartiate, avec une vue imprenable sur le bitume et où on échangeait des anecdotes, plus ou moins personnelles, plus ou moins professionnelles, souvent à tue-tête, pour couvrir le bruit du moteur.

Puis sont devenus plus prégnants d'autres désagréments dus à son encombrement. Il m'arrivait le soir de chercher pendant parfois trois-quarts d'heure une place libre pour stationner le Transit près de chez nous dans le quartier des Cinq Avenues. Il y eut aussi des jours où je le garais très loin et je revenais le chercher tard le soir pour le rapprocher. Le sommet fut atteint lorsqu'un matin, je retrouvais le Transit les quatre roues crevées rue Lacépède et comme je m'étais collé le plus près possible au trottoir pour moins gêner la circulation j'avais une peine supplémentaire : la difficulté d'introduire le cric et de démonter les jantes. Vous pouvez imaginer la suite : démonter les roues une à une, les faire rouler jusqu'au garage le plus proche (le Renault des Chartreux), une fois réparées les remonter contre le trottoir. Il y a des malfaisants qui sont des Paganini dans leur discipline. Dès le lendemain, je cherchais une place de stationnement dans les garages/parkings surveillés du quartier. Pas un ne m'a accepté. Trop large, trop peu vitré ("on peut se cacher derrière pour vandaliser les véhicules d'autres clients"), bref - indésirable ici comme il avait pu l'être pour d'autres raisons en Martinique. Il a fallu se résoudre à lui trouver un remplaçant. J'ai trouvé à Célony, un garage qui vendait un Espace Renault d'occasion en très bon état malgré ses quatre ans. J'ai sauté sur l'affaire.

J'ai mis en vente le Transit pour une petite somme et un acheteur s'est présenté. C'était un jeune homme qui fabriquait des enceintes acoustiques et avait besoin d'un gros volume pour les transporter, la consommation d'essence ne lui posait pas de problème et pendant les années qui ont suivies, je revoyais régulièrement le Transit stationné ici et là, dans le quartier, très repérable à cause de ses élargisseurs d'ailes autour des roues et de son spoiler. En jetant un œil à l'intérieur, j'ai vu que l'aménagement en Van avait disparu : plus de coffres, ni de lit, ni de meuble cuisine/sanitaire mais le capitonnage et l'isolation avaient été conservés. Le Transit était reparti pour une quatrième vie, pour d'autres transports, mais cette fois-ci sans nous.
En noir et blanc, en bas, notre Cher oncle, Bruno Fasol qui s'est dévoué pour nous et notre Transit pendant de longues années et qu'on n'aura jamais assez remercié.

A gauche, 1988-05-13, Ariel et Chloé en Martinique, aux Manguiers. A droite, 1989-03-02, Ariel et Chloé sur le tapis, aux Manguiers.


1996-08-18 Chloé et Ariel en réalité devant la piscine de Papy, Mougins.

Au centre de la gauche, photogramme piqué à "Y-a-t 'il un pilote dans l'avion", à droite, travaux d'élèves pour l'épreuve de Production plastique du Bac du 23 juin 1999 (oui je sais c'est hors-période Transit mais je n'ai pas retrouvé des photos de 1993-1996, si j'en ai eu un jour).



1993-10-10 Cyril, Vincent, Ariel et Chloé dans le Transit à Aix-en-Provence chez les Colard.


mardi 3 août 2021

Aventure Facebook du 3-08-2021

 

"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"

N°6 : La 205 Peugeot de 1984.

Nous la voulions rouge mais nous l'avons eu blanche : "Rouge ! mais vous n'y pensez pas, on ne fait pas venir cette couleur ici. Les gens n'aiment pas." Pourtant, il y en avait quelques-unes de rouge sur l'île, mais les gens qui aimaient avaient dû les faire venir directement sans passer par le concessionnaire local. Elle était donc blanche, plus commune, plus passe-partout, plus anonyme pour les neuf ans qui vont suivre. Elle avait quatre portes, c'était mieux pour transporter des amis et pour les sièges-auto de bébés : Ariel naîtra quelques mois plus tard. Elle était vendue avec un autoradio de série et donc elle tentait les petits voleurs au courant. Baptisée, comme on dit, à seulement trois semaines, elle passait chez le carrossier pour réparations. Pour prendre la radio, le délinquant a fait un trou énorme dans la porte pour en arracher la serrure. Le policier du commissariat où j'ai fait ma déclaration m'a dit qu'il habitait près du centre commercial de Bellevue où cela avait eu lieu et que cela n'allait pas passer comme ça, foi de justicier patenté. Effectivement, quelques jours plus tard, j'étais convoqué au commissariat pour récupérer mon autoradio qui avait été retrouvé avec quelques autres. Qui ose dire qu'on n'a pas une police efficace ?

Assez basique, c'était loin d'un modèle GTI, mais elle convenait à merveille pour nos périples sur toutes les voies de l'île. Facile à stationner en ville ou à un départ de randonnée, bien suspendue et pas bégueule dans les virages si nombreux, elle a un peu rempli pour nous, le rôle du Transit en Algérie, c’est-à-dire nous amener en un temps record en n'importe quel point de l'île. Et on ne s'en est pas privé durant toute la durée de notre séjour, d'une anse à une baie, de mornes en traces, de la côte Caraïbe à celle de l'Atlantique. Que ce soit pour des bains de mer ou des balades à pied, pour notre plaisir et surtout pour celui des enfants, on en a fait des kilomètres sur cette île minuscule avec la 205. Elle aussi, comme le Transit à ses débuts, avait un défaut mécanique de conception : le levier de vitesses se désolidarisait régulièrement de la boite et il fallait changer un jeu de bagues de liaison, pas trop coûteux mais qui nécessitait un passage chez le garagiste à chaque fois. Le nôtre était un voisin des Manguiers qui suivait des stages chez BMW en Allemagne et était presque devenu salarié chez nous, en particulier à la fin de notre séjour. Son atelier avait un petit air d'officine de quimboiseur avec images pieuses et colliers de perles en plastique. Il avait surtout la spécificité de venir récupérer, lui ou son fils, la voiture en panne où qu'elle se trouva, du moment qu'on arrivait à lui téléphoner notre point d'abandon. Trouvez-moi une perle comme ça de ce côté-ci de l'Europe ?

Des coins magiques, en Martinique, ça ne manquait pas et il y en a un que j'ai pris souvent en photo, entre Case-Pilote et Bellefontaine, un morne herbeux surplombant la mer Caraïbe bien bleue où la 205 dans le soleil couchant me faisait penser au Monde de Christina d'Andrew Wyeth, à celui de Tideland de Terry Gilliam ou à une Pub d'un constructeur qui sortait ses griffes pour ce "Sacré numéro".

Un dimanche nous étions à la plage tout au sud de la Martinique, au Cap Chevalier, nous avions récolté des tas d'oursins et comme à notre habitude, on n'avait pas attendu pour les déguster sur place. Par chance, personne n'a été malade sauf moi, qui ne l'était jamais. J'ai fait une intoxication sévère qui m'a cloué au sol pendant une ou deux heures transpirant et gémissant, les entrailles agitées de spasmes. Le temps passait et j'étais totalement incapable de reprendre le volant pour rentrer à la maison. Heureusement, nous étions avec des amis et voisins, les Delphin, qui conduisaient tous les deux et étaient venus avec leur voiture. Pierre a pris Béatrice et tous les enfants dans sa voiture et Christine a pris le volant de la 205 avec un agonisant sur la banquette arrière. A l'arrivée, j'allais beaucoup mieux, les trépidations avaient certainement eu raison de mon empoisonnement.

Une autre fois, Chloé toute petite, s'était fait une petite coupure d'un centimètre au front lors d'une chute devant l'immeuble et Béatrice m'a demandé de la conduire rapidement à l'hôpital pour voir si cela ne nécessitait pas des points de suture. J'attache Chloé sur son rehausseur pour enfant et nous voilà partis à toute vitesse vers le Rond-Point du Vietnam héroïque où se trouvaient des soignants, à la clinique Saint Paul. Le médecin qui l'a vue, m'a dit que son entaille ne nécessitait pas de points mais il lui a mis des Steri-Strips par acquis de conscience. Ceci fait, nous repartons vers la maison mais le raccourci que j'ai pris pour revenir plus vite avait été défoncé par des pluies récentes et la 205 était fortement agitée latéralement et, dans un nid de poule, alors que nous étions presque arrivés à la maison, la tête de Chloé qui ballottait fortement a frappé la vitre de la portière violemment, juste sur la blessure frontale. Les Steri-Strips ont lâché et la plaie s'est rouverte en saignant abondamment. J'ai eu tellement honte de devoir la ramener à la clinique en avouant que cette fois c'était par ma faute qu'elle était martyrisée que nous l'avons soigné nous même avec des Steri-Strips que nous avions chez nous. Quel père indigne !

En juin 1993, j'obtenais ma mutation pour le Lycée Diderot à Marseille, on allait quitter la Martinique après un séjour de dix ans et la 205, qui était de plus en plus souvent en panne ne nous accompagnerait pas. Je l'ai donc proposée à Monsieur Almont, mon garagiste attitré qui était intéressé pour en faire un véhicule de courtoisie. C'est vers cette époque que j'ai fait connaissance avec Dominique Berthet qui venait pour ouvrir une antenne Arts Plastiques à la Fac de Fort-de-France. Il cherchait un véhicule pour sa compagne et sachant que je laisserais le mien sur l'île, il s'est arrangé avec mon garagiste pour être mon acheteur. J'ai su plus tard qu'il n'avait pas fait une très bonne affaire.

Mes transports 32

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Mes transports 34

Mes transports 35

Mes transports 36

1983-12 Nikon F3 - Ekta - 52 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique

1983-12 Nikon F3 - Ekta - 53 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique

1983-12 Nikon F3 - Ekta - 54 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique

1983-12 Nikon F3 - Ekta - 55 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique

1983-12 Nikon F3 - Ekta - 56 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique

1983-12 Nikon F3 - Ekta - 57 Entre Bellefontaine et Le Carbet, Martinique

1984-06 Nikon F3 - Ekta - 12 Couchant près de Bellefontaine, Martinique

1985-06 Nikon F3 - Ekta - 11 Couchant près de Bellefontaine, Martinique

1985-06 Nikon F3 - Ekta - 12 Couchant près de Bellefontaine, Martinique

1985-06 Nikon F3 - Ekta - 13 Notre 205 au Couchant près de Bellefontaine, Martinique

1985-06 Nikon F3 - Ekta - 14 Couchant près de Bellefontaine, Martinique

1985-06 Nikon F3 - Ekta - 15 Couchant près de Bellefontaine, Martinique

1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 6 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique

1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 7 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique

1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 8 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique

1989-05 Nikon F3 - Ektachrome - 9 Point de vue vers Bellefontaine, Martinique