"Mes transports pas amoureux mais presque" ou "Ces mécaniques que j'ai roulées"
N°4 : Le Ford Transit MK2 de 1979 (première période).
Cette année-là, en travaillant comme illustrateur pour les éditions "Jeune Afrique", j'avais gagné un petit pactole qui améliorait sensiblement ma petite paye de prof débutant. Et, déraciné du Midi oblige, j'allais certainement devoir déménager beaucoup avant de pouvoir revenir dans mon Sud préféré. Je m'étais mis en tête d'être mon propre déménageur, il me fallait donc mon propre camion. Le nouveau look de la camionnette "Transit" de chez Ford m'avait fait de l'œil et peut-être aussi que c'était moins cher que chez la concurrence.
Il était blanc et un peu noir aussi, il consommait seize litres aux cent mais ça ne m'horrifiait pas encore. Bien que flambant neuf, il avait un atavisme congénital : le moteur se coupait tout seul de manière imprévisible. Cela pouvait arriver n'importe quand, n'importe où et quand cela se produisait, il n'y avait qu'un moyen de repartir, c'était d'enclencher la marche arrière et de donner un coup de démarreur. Ce n'était jamais plaisant mais, lorsque cela nous est arrivé dans le tunnel de Saint Cloud sur l'autoroute, ce fut carrément "craignos". J'ai mis en demeure le concessionnaire de trouver l'origine de la panne. Une fois la pièce électrique défectueuse repérée et changée nous sommes partis pour 17 ans de vie commune sans grosses pannes mais pas sans histoires.
De Lyon à Paris puis à Maubeuge, mon Transit parcourait les nationales à belle allure avec son passager muet mais encombrant (voir ici aussi, "les Aventures de ma mort de 1978"). A Maubeuge, à cause du froid et de l'humidité, l'hiver, il fallait respecter un protocole le matin avant de pouvoir aller travailler : démarrer le moteur et attendre bien cinq minutes avant de pouvoir passer les vitesses, l'huile étant figée par le gel. En 1981, n'en pouvant plus de ce climat chti, je postulais pour une coopération en Algérie que j'obtenais et, en septembre, je traversais la Méditerranée avec mon Transit aménagé intérieurement façon van/camping-car. Avec mon frère Michel, pendant les vacances, on avait installé un grand lit, un réchaud, un lavabo, des coffres avec des réservoirs d'eau, des coffres immenses pour toutes sortes de choses. Tout avait été isolé, capitonné, un toit ouvrant avait été placé, des rideaux pouvaient obstruer tous les vitrages et cerise sur le gâteau, il y avait un couvre-lit en faux-zèbre.
Le pays étant magnifique et immense, l'essence et les produits pétroliers à un prix ridicule, on a sillonné émerveillés l'Algérie et la Tunisie, en long, en large et en travers : plus de quarante mille kilomètres en dix mois. Pour le désert et les longues destinations sans beaucoup de stations-services, au mépris de la sécurité, on avait plusieurs jerricans de vingt-cinq litres d'essence sur les marchepieds et une centaine de litres d'eau pour nous, les passagers, afin d'éviter la déshydratation, dans un coffre à l'arrière. Après quelques frayeurs d'ensablement sur des pistes sablonneuses, on rentrait sur Mougins pendant les vacances de Pâques et on installait des jantes larges et des pneus de Formule 1 sur le Transit avant de regagner notre lieu de résidence à Sour-El-Ghozlane. Nous n'avons plus jamais eu de soucis avec le sable sec mais hélas, il pleut quelquefois dans le désert même si cela n'arrive qu'au mieux tous les cinq ans.
Dans notre guide Hachette du Sahara, nous avions repéré un coin sympa, le lac sacré de Merdjerda près de Touggourt. Il y était précisé qu'il fallait prendre un enfant comme guide à Temacine. Nous avons trouvé notre jeune guide et nous sommes parti vers le lac mais il avait plu la veille. Le sable boueux avait pris la consistance du Nutella et notre guide était désemparé devant cette nouveauté. Le Transit n'a pas tardé à s'enliser jusqu'au moyeu et tous mes efforts de marche avant, marche arrière pour sortir de l'ornière sont restés vains. La nuit est tombée et après plus d'une heure de tentatives sans succès, on s'apprêtait à dormir sur place lorsqu'un homme est arrivé de nulle part avec une plaque de désensablage. Il l'a mis sous nos roues et en quelques minutes on regagnait un sol plus ferme. Nous avons ramené l'enfant à sa famille et nous avons dormi sur un parking près de Touggourt, nous n'avons jamais vu le lac sacré. Par contre, le Transit gardera pendant des années du sable salé corrosif sur les longerons du châssis, les Karchers et l'eau courante étant plutôt rares dans cette région.
Une autre fois, nous roulions à tombeau ouvert sur une ligne droite transsaharienne en direction du Nord lorsque nous avons croisé une Toyota 4 x 4 suivie d'une Land Rover. Si nous ne connaissions pas la Land Rover, nous avons tout de suite eu une impression de déjà-vu concernant la Toyota Land Cruiser et immédiatement nous avons pensé à celle du patron de Jean-Paul, mon frère, qui travaillait comme peintre en lettres à "L'Atelier" au Cannet. C'était la même couleur gris-vert, les mêmes coffres de pickup et un barbu au volant. Ni une, ni deux, coup de frein monstrueux (après coup d'œil dans le rétroviseur) et demi-tour au milieu de nulle part. Deux minutes après, nous roulions à près de 140 km/h, à la poursuite des deux 4 x 4. Au bout d'une dizaine de kilomètres, tout près d'El Oued, on finissait par les rattraper et les obliger à se ranger sur le bord de la route. C'était bien eux, accompagnés d'un ami en Land Rover. Eux, c'étaient les Venturelli, Claude et Marie-Thérèse : des pros, un couple dingue de tous les déserts, qui souvent traçaient leur piste à la boussole et trouvaient des objets préhistoriques du Tassili au Niger, de la Toundra au Lac Baïkal. Nous n'avons pas dérogé aux lois de l'hospitalité touareg et cinq minutes plus tard, on buvait sur place un thé à la menthe en prenant rendez-vous pour des retrouvailles futures, chez nous, à Sour-El-Ghozlane. Le monde est bien petit !
Fin juillet 1982, après un dernier baroud d'honneur de déserts sahariens, sous des températures folles et des milliers de mouches qui ne l'étaient pas moins, on rentrait définitivement en France et je m'attaquais à la customisation extérieure de mon van, chez les Venturelli, au chemin de l'Olivet, qui mettaient à ma disposition leur atelier, tout leur matériel et leur savoir-faire en matière de peinture automobile.
La Résidence Mykonos à Maubeuge vue de ma fenêtre à divers moments de l'année (vrais Polaroids) et Béatrice et moi à la manière de Joost Swarte (faux Polaroid). |
En haut, nuages
sur le désert près de Biskra. En bas, une oasis cultivée à El Oued. |
Le dessous du
Transit et une vue des années 50 du lac sacré de Merdjerda près de Temacine. |
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